iwm Collection « M1NERVA » Ie Série LES ARTISTES BELGES contemporains Texte de J.-K. PANSAERS n ■ ,m BRUXELLES EUGENE DE SEYN EDITEUR !: CSKÏS ■ LES ARTISTES BELGES CONTEMPORAINS Texte de J.-K. PANÔAERÔ BRUXELLES EUGENE DE SEYN ÉDITEUR Comtesse de FLANDRE, aquafortiste. C'est sur les rives du Danube, au château d'Inzighofen, près de Sig-maringen, que naquit, le 17 novembre 1845 la princesse Marie-Louise-Alexandrine-Caroline de Hohenzollern, future comtesse de Flandre. Son père était le prince Charles-Antoine, marié à la grande-duchesse Joséphine de Bade. Son mariage avec le prince Philippe de Saxe-Cobourg Gotha, fut béni le 25 avril 1867 à Berlin. Petit-fils du roi Louis-Philippe, frère de feu Sa Majesté Léopold II, et prince aurait pu, s'il l'avait voulu, être roi lui-même. On lui avait offert la couronne de Grèce, puis le trône de Roumanie qu'accepta le prince Charles de Hohenzollern. » Nulle demeure n'apparaît plus représentative de l'âme de ceux qui l'occupaient que le palais de la rue de la Régence, écrit la comtesse H. de Reinach Foussemagne. Les tableaux et les marbres, les meubles et les tapisseries, la bibliothèque avec ses livres rares et ses précieuses reliures y révèlent l'amour de ses hôtes pour les nobles manifestations de l'art et de la pensée.»(*) C'est dans ce palais, au milieu de cette ambiance de vertus familiales et d'aspirations artistiques, que grandirent les enfants du comte — le royal bibliophile — et de la comtesse — la royale aquafortiste, notamment notre roi, Albert, né le 8 avril 1875. « Le seul aspect de S. A. R. Madame la comtesse de Flandre créait la confiance. Avant même qu'elle ouvrit la bouche, on pressentait que de ses lèvres, qui étaient d'un dessin très pur, il ne pouvait tomber que des paroles réconfortantes. Son regard droit et limpide vous rassurait. Elle restait grande dame, mais elle était naturellement simple et cordiale et elle se mettait sans effort à la portée de qui l'approchait. Dans le salon de son palais de Bruxelles, un grand portrait du comte de Flandre par le peintre Herman Richir, dominait toute la pièce ; sur un socle, près de la cheminée, le buste en marbre blanc du prince Baudouin. On écoutait la princesse et l'on admirait une personnalité marquée, une intelligence qui se traduisait par une vision précise de la vie, par un jugement robuste, mais toujours bienveillant, en appréciant les gens et les choses à leur valeur. » (*) (*) Le Correspondant, décembre 1912. Les loisirs de cette femme d'élite furent consacrés aux travaux artistiques et aux œuvres de bienfaisance. Dans un but charitable elle fit paraître plusieurs de ses productions, et notamment « La Semois », un magnifique album de vingt-deux superbes eaux-fortes. Le très distingué écrivain Henry Carton de Wiart qui a préfacié cette publication luxueuse a pu écrire entr'autres choses : « Je ne crois pas que cette région, la plus pittoresque de notre sol, ait jamais été étudiée et dessinée en tous ses aspects, avec un souci de vérité et d'art plus émouvant. Ces vingt-deux évocations de paysages ont chacune une âme qui leur est propre; dans chacune l'auteur a mis aussi quelque chose de son âme. » « L'Abbaye de Villers », que nous avons le rare bonheur de pouvoir reproduire ici, est une des plus belles planches de l'œuvre de la royale artiste. C'est aussi une des plus belles ruines en Belgique. Des moines, auxquels St.-Bernard donna sa règle, en commencèrent la construction au XIIe siècle. Grâce aux libéralités des fidèles et des princes du moyen-âge, l'humble ermitage fit place à un vaste et magnifique cloître. Malheureusement, comme la plupart de nos monuments religieux, l'abbaye de Villers a souffert des hordes dévastatrices, tels que les iconoclastes et les révolutionnaires. Aujourd'hui les ruines forment un formidable entassement de murailles qui se lézardent, de piliers qui se fatiguent sous le poids qu'ils portent depuis des siècles. Malgré cela cet amas de décombres reste admirable. Les lierres et les ronces décorent d'une nouvelle vie les ogives brisées et les voûtes déchirées. C'est la vie sauvage plus forte que la mort. Je reprends la pensée de M. Henry Carton de Wiart :— D'avoir été évoquée par la main d'une princesse doublée d'une artiste, l'Abbaye de Villers n'en sera-t-elle pas plus aimée et respectée ? J'aime à le croire. Et ce nous sera un motif de plus pour nous réjouir à contempler cette œuvre. S. A. R. Madame la comtesse de Flandre fut enlevée à l'affection des siens le 26 novembre 1912, laissant parmi tous un souvenir ineffaçable d'un grand et noble cœur. m&M Frans VAN LEEMPUTTEN, peintre. Frans Van Leemputten est né à Werchter, près de L.ouvain, le 29 décembre 1850. Dans ce pittoresque paysage brabançon, où l'artiste passa son enfance, il était chaque jour en contact avec la nature, dont son père se plaisait à lui montrer les beautés. Il y apprit à aimer la vie des plantes et des bêtes, la vie intime des simples et sincères campagnards. Le soir, il lisait les romans de Henri Conscience. Presque à chaque page il retrouva la description des choses qu'il avait vues, senties, touchées du doigt. Son attention était éveillée; son imagination s'enrichissait; son sentiment du beau se confirmait. « Conscience, a dit le peintre, m'a fait aimer les paysans, mais c'est Georges Eekhoud, plus observateur et plus psychologue, qui me les a fait connaître intimement. Et c'est ainsi que les souvenirs de mon jeune âge et la hantise sentimentale de mon village natal se combinant ou se confondant avec mes lectures favorites, je me suis pris à aimer, par dessus tout, la Campine et les Campinois ». (*) Celui que connaît ce premier détail de la vie de l'artiste, comprendra sa personnalité et toute son œuvre. Fixé sur sa vocation, il alla suivre le cours de paysage de Paul Lauters à l'académie de Bruxelles. En 1873, il exposa « le Verger ». « Le Peintre », en 1875, fut son premier succès. Comme il le dit lui-même, Van Leemputten est le peintre de la Campine et des campinois. Observateur attentif, il ne l'est cependant pas en penseur, en psychologue, à la manière de l'auteur de Kees Dorik; mais il fixe sur la toile la vie avec toute la poésie simple et naïve propre ux choses et aux hommes de la bruyère. Mais précisément dans cette manière réside sa force, ainsi qu'un succès bien mérité. Voyez cette « Procession à Montaigu ». C'est un triptyque, du musée d'Anvers, dont malheureusement nous ne pouvons, à cause des dimensions de l'œuvre, que reproduire le panneau central. (*) E.-L. DE TAEYE. — Nos Artistes contemporains. C'est un conte descriptif des Campinois qui vont de loin en pèlerinage à Notre-Dame de Montaigu, pour assister à l'imposante procession aux cierges. Sur la prédelle gauche un pieux cortège s'achemine par des routes sablonneuses ; et au lointain apparaît le campanile et la coupole imposante aux étoiles dorées, qui scintillent aux rayons du soleil. Sur celle de droite, les pèlerins quittent le lieu de prières et adressent un dernier adieu à la Vierge. Le grand panneau central nous montre la procession autour du célèbre sanctuaire. Ce qui impressionne, c'est la masse recueillie qui récite une même invocation de miséricorde et d'espoir. Une fois de plus, Van Leemputten montre ici toute la saveur de son art de conter. Par la conception du sujet, par l'exécution soignée et par le souci de l'harmonie des couleurs, l'artiste se rapproche intimement de Charles Degroux. Le « Bas-Escaut » fut acquis par le musée de Louvain. « Les Tourbières de Postel » est au musée de Gand. « Paysans allant au travail » et <• Le dimanche des Rameaux en Campine » sont au musée de Bruxelles; (« En Passant » est au musée de Prague. Outre la « Procession à Montaigu », le musée d'Anvers possède « La Distribution de pains ». » Bénédiction de chevaux » est au musée de Berlin ; « Paysans attendant le retour des pèlerins » se trouve au musée de Barcelone. Le maître a succédé dignement à Charles Verlat, en qualité de professeur à l'Institut supérieur des beaux-arts d'Anvers. Albert BAERTSOEN, peintre Baertsoen est gantois, de la race des Maeterlinck, des Van Lerberghe, des G. Minne. Né en 1866, ii se mit à la peinture vers l'âge de dix-neuf ans. Il eut pour maîtres Den Duyts et Jean Delvin. Esprit cultivé et subtile, son art n'est pas objectif, — c'esl-à-dire qu'il ne donne point une reproduction exacte, je dirais presque photographique de la nature, — mais subjectif, faisant dominer dans toute son œuvre son propre sentiment, qui est celui du rêve et de la douce mélancolie. Son entrée dans le monde artistique date de 1886, lorsqu'il exposa pour la première fois à Bruxelles, au Cercle « L'Essor ». Il peignit, comme il peint encore, son milieu natal, tout en portant ses préférences vers les coins mystérieux, anciens et pittoresques, aux rives des canaux, à la Lys et à l'Escaut. Les murailles décrépites, les canaux somnolents, les bateaux lents des vieilles cités flamandes sont le décor où le peintre nous fait apercevoir l'âme des choses en une atmosphère recueillie et poétique. S'il peint, comme les luministes, sa lumière est cependant une lumière sans soleil, sobre et triste. Albert Baertsoen est le peintre de la mélancolie, comme Emile Claus est celui de la joie de vivre. Notons toutefois que cette tristesse n'est point l'expression d'un tempérament neurasthénique. L'art du maître est sain, robuste et réel. Ceux qui ont passé par nos vieilles cités flamandes n'en oublieront pas l'atmosphère de pesante tristesse. La ville antique — qu'est en même temps moderne et industrielle, — la ville des monuments, Gand, tout comme Bruges, est sombre le long de ses canaux, dont les eaux reflètent les vieux pignons et les anciennes façades dentelées. Aux jours de soleil, Gand est morne encore, mais alors du côté des béguinages, où les ruelles avec leurs maisonnettes blanchies, sont désertes. C'est ce silence impressionnant qui parle dans l'œuvre de Baertsoen; c'est la tragique beauté du silence et de la solitude qu'il chante dans ses tableaux avec un lyrisme contenu et profond. Parmi les toiles du maître, citons : « Un soir sur l'Escaut »; « Petite place flamande, le soir », au musée d'Anvers; « Dégel, à Gand », au musée du Luxembourg, à Paris ; « Chalands sous la neige », au musée de Bruxelles; « Gand, le soir », appartenant à M. Rouché, à Paris. « Gand, le soir » est l'un des décors les plus glorieux de ville, écrit M, Fierens-Gevaert dans le bel ouvrage qu'il a consacré à ce peintre. Dans le fond, le chevet de l'église Saint-Michel et la façade d'un vieil hôtel du premier Empire ; à gauche, les pignons illustres de la » Maison de l'Etape » et de la » Maison des Bateliers ». En peignant ses études, c'était l'âme de la ville qu'il interrogeait chaque soir. La grandeur héroïque, la mélancolie, les détails pittoresques du paysage de pierres se fondent, disparaissent pour renaître en la douceur surnaturelle d'une indescriptible féerie crépusculaire. Une pénombre violacée entoure les édifices, les transfigure en géants fantomatiques qu'éclairent par instants l'accent d'une lumière, le rayonnement des lanternes qui s'arrondit puis se dissout en bulée d'or dans la grande améthyste nocturne. Seuls les tons brunâtres et blancs d'un bâteau nous ramènent aux réalités, tout en soulignant la fluidité des silhouettes. Les choses, mystérieusement, conspirent à libérer le rêve. La beauté de l'heure atteint au fantastique. Et pourtant tout est juste et vrai. Sous les voiles violets et dorés qui les idéalisent, les édifices et les demeures augustes gardent l'essentielle vérité de leurs lignes séculaires. Il se peut que l'on ait peint d'aussi belles nuits, jamais on n'en peignit de plus belles. » Pour la réalisation de chaque tableau, l'artiste assemble de nombreux documents. Sur place il fait une esquisse, une étude, mais si détaillée que pour beaucoup elle serait un tableau fini. A l'atelier il l'achève laborieusement, y ajoute l'enveloppe, cette note profonde qui est la mélancolie. La technique soucieuse et le colori subtil, savoureux, attestent d'une science et d'une aisance magistrales. Baertsoen seul a le secret de varier les blancs et les noirs, les gris et les demi-teintes en autant de notes distinctes. Né d'une famille patricienne, il ne fait de l'art que pour l'art, c'est-à-dire par amour et non pour le commerce de l'art; aussi peut-on affirmer que son œuvre l'a placé au premier rang de nos artistes contemporains. Baertsoen est aussi un aquafortiste de très grande valeur. Albert Baerlsoen Garni, le soir Constantin MEUNIER, sculpteur. Constantin Meunier naquit à Etterbeek, le 12 avril 1831. Après avoir fréquenté pendant quelque temps l'Académie des beaux-arts à Bruxelles il entra à l'atelier de Fraikin. Ce sculpteur l'employa comme garçon de course, boute feu. Mécontent de sa situation, qui d'ailleurs ne lui promettait rien, enthousiasmé d'autre part devant l'œuvre du peintre français Millet et du belge Charles De Groux, il s'adonna à la peinture. En des couleurs sombres, dont le gris est le ton dominant, une palette plutôt pauvre, il peint, dans le réalisme sentimental de De Groux, en-tr'autres toiles : « Inhumation d'un trappiste » et « Episode de la guerre des paysans » (Musée de Bruxelles), celle-ci, la meilleure, inspirée par le livre de Henri Conscience. Vers 1880 un voyage à Seraing, à Val-St-Lambert et dans le Borinage, entrepris en vue de fournir des illustrations à « La Belgique » de Camille Lemonnier, révéla à Meunier un monde nouveau. Sans le vouloir, il y découvrit les types, la vie, qu'il synthétiserait plus tard et qui devaient le rendre célèbre. En 1882, il se rendit en Espagne, à Séville, pour le compte du Gouvernement, y copier une Descente de Croix, du maître flamand Pédro Cam-pana. Il rapporta de ce voyage une série d'études, dont la vérité, la saveur pittoresque firent sensation. La « Fabrique de tabacs à Séville » est au musée de Bruxelles. Ce qu'il peint après est plus sculptural que pictural et fait penser à un bas-relief. Il retourne au « Pays Noir », où il élèvera à la vie de l'art le peuple de la mine et de l'usine, hommes, femmes, enfants, et jusqu'aux animaux, comme l'est ce pathétique « Cheval de Mine ». En 1884, Meunier se remit à la sculpture. En 1885, au Salon d'Anvers, il exposa son « Puddleur », assis, abruti, image de la force ; puis en 1886, au Salon de Gand, le » Marteleur », qui, à Paris, devint célèbre. A partir de ce moment les œuvres se succèdent. Le groupe « Le Grisou » (1890) est au musée de Bruxelles; « le Semeur » et « le Faucheur », (1892) sont au Jardin botanique à Bruxelles; « le Cheval à l'abreuvoir », (square Ambiorix), « le Débardeur », sont autant de chefs- d'œuvre. Le sculpteur, maintenant, dépasse définitivement le peintre. Meunier synthétise le mineur. Il nous montre les héros du travail manuel. Il ne voit pas l'individu, mais simplifiant, sacrifiant les détails, il cherche le type, le type de l'ouvrier borain, le type de l'ouvrier mineur, voire le type de l'ouvrier. Ce type est beau, parce que réel ; éternellement beau, parce que si profondément vrai et humain. « Le miracle, a écrit Clémenceau, c'est d'avoir fait surgir l'intensité de l'expression de la parfaite convenance des attitudes, de la juste mesure du geste indicateur de l'effort où tout le corps et toute la pensée le convient. C'est là le trait commun de tout ce peuple de bronze aux prises avec la matière rebelle. Point de cris, point d'apitoiements, point d'outrance ! Le drame sort du dedans. Si la plus haute poésie s'en dégage, c'est qu'elle y est naturellement contenue. La poésie de l'être et de l'action, non des fausses conventions du jour. » Meunier, comme Rodin, a découvert une beauté sculpturale nouvelle. Il est le premier qui ait fait entrer l'ouvrier dans l'art. Peut-être son art est-il plus humain encore, plus universellement émouvant que celui de son émule. Il a voulu résumer son oeuvre tout entière dans un monument colossal : « La Glorification du Travail. » Il y travaillait quand la mort le terrassa, le 4 avril 1905. Ce monument, dont le maître n'a pas eu le temps de relier entr'eux les fragments, comprend entr'autres : quatre hauts-reliefs, — la Moisson, l'Industrie, la Mine, le Port. L'effroyable intensité du travail manuel y est représentée avec une puissance sublime. Dans « l'Industrie », dont nous reproduisons un fragment, les volutes de flammes, qui s'échappent de la gueule du four à puddler ; dans la « Moisson», les murailles oscillantes des blés chauffés par un ciel de feu; dans le « Port », la charge des fardeaux; dans la « Mine » tout enserre l'homme et le menace. C'est une paraphrase formidable de la loi du travail. Le monument se couronne d'une haute figure en ronde-bosse, le « Semeur », — la promesse de l'avenir, — qui, d'un geste calme mais sûr, répand autour de lui les germes des moissons futures. Constantin Meunier a donné à l'ouvrier le meilleur de son génie et de son cœur. Aussi est-il surnommé, à juste titre, le glorificateur du Travail. L'Industrie (fragment) U • <:■' ' V; y... - - 'Sïi'îiÏ! ■ fj, vv'VAii.,:^ e/sr'rïlW.- v >!"■> t Y-jt Thomas Vinçotte S. M. Léopold II Thomas VINÇOTTE, statuaire. Thomas Vinçotte est né à Borgerhout, le 8 janvier 1850. De bonne heure il vint à Bruxelles, suivre le cours de l'Académie des beaux-arts. De 1872 à 1874, il alla achever ses études à Paris. C'est là qu'il conçut son «Giotto », qu'il exécuta en marbre aussitôt rentré à Bruxelles. Par cette juvénille figure, toute d'élégance et de noblesse, il se rangea parmi les rénovateurs de la sculpture belge. L'artiste se rend ensuite à Florence, où il passe dix ans ; là son goût raffiné prend contact avec la plastique gracieuse et1 idéaliste des maîtres de la première Renaissance : Verrochio, Délia Robbia, da Majano. Il revient en Belgique absorbé par son art. Avec une habileté de métier extraordinaire, il se met au labeur. Ses œuvres se multiplient. Citons : les deux groupes allégoriques de la gare de Louvain ; l'allégorie de la salle des pas-perdus à la gare de Tournai ; la statue du chirurgien Palfyn, à Courtrai ; le monument à la mémoire de Louis de Naeyer, à Willebroeck; le magistral bas-relief en marbre du musée ancien de Bruxelles ; la statue d'Agneessens, doyen du métier des quatre Couronnes ; le « dompteur de chevaux », au rond-point de l'avenue Louise, à Bruxelles. Et récemment le bas-relief du fronton au palais royal, à Bruxelles ; les biges pour le couronnement du musée d'Anvers ; ainsi que, en collaboration avec son émule, Jules Lagae, le quadrige de l'arcade monumentale du Cinquantenaire, à Bruxelles. Toutes ces œuvres sont issues directement de l'observation perspicace de la nature. Le rythme en est harmonieusement choisi ; l'exécution en est concise, ferme et éminemment nerveuse. En dehors de cette liste d'ouvrages monumentaux et ornementaux, il nous faudrait citer une autre, beaucoup plus longue, de bustes en marbre, en bronze et en ivoire. Car le maître est le portraitiste par excellence. Il serait téméraire de vouloir résumer en quelques mots tous les obstacles à surmonter, toutes les difficultés à vaincre dans cet art de por-traire. Quoiqu'il en soit et quel que le modèle puisse être, le statuaire reste toujours respectueux de son art. « Sans flatteries ni atténuations, en rendant justice à chacun, Vinçotte sait atteindre une ressemblance évidente, écrit M. Paul Lambotte, synthétiser une personnalité, voire un tempé- rament, et cette faculté lui permettra de continuer à produire encore un très grand nombre de bustes sans se répéter ni s'amoindrir, car il est esclave de la Vérité et c'est l'observation scrupuleuse de la vie qui lui inspire ses plus rares trouvailles.» Dans cette longue galerie de portraits, nous énumérons : les bustes de Sa Majesté le Roi Albert ; de Leurs Majestés le Roi Léopold II et la Reine Marie-Henriette ; de S. A. R. Mme la Comtesse de Flandre ; de M. Emile De Mot; de M. E. Verlant, directeur-général des beaux-arts. Le buste de S. M. le Roi Léopold, que nous reproduisons, est un pur chef-d'œuvre. Le maître avait exécuté quelques années avant un autre portrait du même souverain. « Les deux bustes sont à tous égards éloquents. Le premier est peu révélateur de tout ce qui dans le second, (celui de notre planche), devait affirmer l'individualité intense d'un être supérieur, puissant, complexe. Il fallait commenter des prédispositions exceptionnelles sans rien dissimuler de la nature intime du modèle, et dans le même visage faire deviner des facultés, des ténacités, des initiatives ; un tempérament mis en pleine lumière pendant vingt-cinq années d'histoire. » (*) Le vénérable maître est professeur à l'Institut supérieur des beaux-arts d'Anvers. (*) Thomas VINÇOTTE et son œuvre, par Paul Lambotte et Arnold Goffin, 1912. Franz COURTENS, peintre. Franz Courtens naquit à Termonde, le 14 février 1854. A l'académie de sa ville natale, il lut l'élève de Rosseels et de Meyers. Ses parents voulurent cependant faire de lui un commerçant. Mais celui qui, tout enfant, avait rêvé d'être peintre, ne renonça pas à sa carrière artistique. Il quitta Termonde en 1874, se fixa à Bruxelles, où il se fit de nombreuses relations, et y resta. Courtens est un paysagiste. Tel qu'il s'est manifesté au début, tel il est resté. Son art n'a pas évolué, mais s'est élargi, approfondi, perfectionné avec les années. Le paysage du Courtens actuel est une œuvre parachevée jusqu'au complet repos, d'une force lyrique empoignante. En 1884 il envoya à l'exposition de Bruxelles « La Sortie de l'Office », (musée de Stuttgart). Ce fut la confirmation de sa personnalité géniale et de sa célébrité. Rien de cérébral, de littéraire dans ses tableaux. D'un large coup de pinceau rubinien, il plante, dans ses allées et ses bois, les arbres aux couronnes de feuillage luxueuses, qui tamisent les rayons de soleil en une lumière blonde tel « Drêve ensoleillée » du musée de Bruxelles. Claus et Courtens sont deux noms glorieux dans la peinture belge contemporaine. Mais la distance qui les sépare dans l'art est aussi grande que celle qui éloigne le visionnaire James Ensor du délicat et aristocratique Ferdinand Knopff. Courtens est, parmi les luministes de tous les pays, peut-être le plus luministe. Il procède directement de la race des peintres flamands du XVIIe siècle. Avec sa pâte grasse, d'une force de vérité presque brutale, il est le peintre de la vie réelle, de préférence du plantureux paysage des Flandres, dans le sens dont Taine en a parlé. Avec sa robuste et imposante manière, il a peint cette Flandre, sous ses mille aspects. Il a noté les grands arbres somnolents sous la pesante chaleur d'un soleil d'été, et les campagnes en leur blancheur de givre et de glace. Le « Calvaire » p. e. est un hiver d'une âpreté vigoureuse touchant au tragique. « La traite » du musée de Bruxelles, tableau que nous reproduisons, date de 1897. Il nous donne une idée nette de la précision franche avec laquelle le maître chante ses poèmes lyriques picturaux. Il nous montre que Courtens est l'enthousiaste de la nature et de tout ce qui vit en elle. Une exubérance de vie anime tout ce que le maître a immortalisé sur la toile. Sans énumérer ici, en une trop longue liste, les récompenses qui lui ont été décernées, tant en Belgique qu'à l'étranger, citons quelques uns de ses chefs-d'œuvre éparpillés dans l'Europe entière. « Mare dormante sous bois » est au musée de Munich ; « Sous l'hêtre » au musée de Prague ; « Pluie d'or » au musée de Budapest ; « Les Nonnines » au musée de Magdebourg ; « Soleil de septembre » au musée de Liège ; (( Dégel » à Termonde ; « Le long du chemin » à Anvers ; « Sous les saules », à Namur ; etc. Toutes les cours impériales et royales possèdent des toiles de l'illustre peintre-paysagiste flamand, où l'Escaut et la Meuse tiennent la plus large place. La Hollande aussi lui a fourni nombre de sujets traités de main de maître. Passant seulement les mois d'hiver à Bruxelles, Franz Courtens réside le reste de l'année, avec sa famille, à Saint-Gilles (Waes) et à Vo-gelenzang lez Haarlem, en Hollande, d'où il rapporte, à chaque retour, nombre de tableaux et de croquis. Herman RICHIR, peintre-portraitiste. Herman Richir naquit à Ixelles, le 4 décembre 1866. Des aptitudes remarquables pour le dessin se manifestèrent chez lui de bonne heure. Tout en faisant ses humanités, il suivit les cours de l'académie de Saint-Josse-ten-Noode et prit des leçons du graveur Biot. En 1884, il se fit inscrire à l'académie de Bruxelles, où il eut pour maîtres Stallaert et Portaels. En même temps il prit des leçons du peintre Ch. Hermans. Lauréat des concours de l'académie en 1885 et 1886, il remporta cette dernière année le second prix de Rome, avec le sujet imposé : le Triomphe de Diagoras. En 1889, il débuta au Salon de Paris avec les portraits de Mmo Biot et de Me"° Richir sa sœur, où ses qualités de peintre et de psychologue s'affirmèrent avec éclat et lui valurent une mention honorable. Cette même année, il obtint au Salon de Gand la médaille d'or. Ainsi sa carrière se continua par de nombreux et retentissants succès, tant à Bruxelles qu'à l'étranger. Richir est un portraitiste. Parmi les genres picturaux celui du portrait est un des plus difficiles. Il exige de l'artiste non seulement un dessin subtil, mais en même temps une connaissance approfondie de l'anatomie et de la psychologie. Les œuvres de Richir impressionnent par leur merveilleuse puissance d'expression et leur saisissante réalité. Tels sont les portraits de S. M. le Roi Albert ; de S. A. R. Mgr le comte de Flandre, l'un debout, l'autre assis (ce dernier est un chef-d'œuvre), — du ministre d'Etat De Lantsheere. Dans les portraits de femme le maître aime à peindre la grâce féminine avec la couleur blanche. « Blanc et Noir » appartient à cette série. Le musée de Bruxelles a acquis ce tableau en 1910. Notons encore le portrait de S. M. la Reine Elisabeth ; « Après le bain » au musée de Sydney; « la Dame au manteau de velours » du musée de Bruxelles; « En blanc », un portrait de Miette, au musée de Liverpool ; « le Bijou » au musée communal de Schaerbeek. « Misère » et « Perversité » sont deux œuvres dans lesquelles on admire l'acuité de la vision du psychologue. La première a été acquise par le musée de Budapest, la seconde est devenue la propriété du comte Etienne Harolyi, magnat de Hongrie, qui a voulu également posséder son portrait en pied, exécuté par le maître portraitiste. Dans l'art décoratif Herman Richir s'est révélé non moins puissant. De 1897 à 1898, il paracheva une œuvre justement louangée par les critiques d'art de France, d'Allemagne et d'Autriche. C'est une œuvre monumentale qui rivalise, en délicatesse, en sereine et profonde poésie, avec le « Soir florentin », par exemple, de Maurice Denis. C'est une suite de panneaux picturaux représentant les « Champs Elysées », qui ornent la salle de musique de M. Fontaine de Laveleye, à Boitsfort. L'œuvre est exécutée avec autant de précision que de largeur, où la valeur et la solidité du dessin s'unissent au charme et à la séduction du coloris. Ce labeur capital fait regretter que l'artiste n'ait pas plus souvent l'occasion de montrer son généreux talent de grand compositeur. Son art est tout de raffinement et de distinction. « Jeunesse », « le Châle rouge », « Dans la serre » sont des peintures de genre, dans lesquelles le peintre a stylisé l'élégance, la beauté complexe de la femme moderne. En accordant ainsi une valeur esthétique au raffinement du jour, Richir proclame que la beauté est partout ; que notre vingtième siècle en a la sienne, peut-être trop méprisée par ceux qui n'en savent pas découvrir le style. Son coloris est suave. La richesse des couleurs encadre la ligne nerveuse comme l'orchestration magistrale une mélodie délicate. Le maître est premier professeur de peinture d'après nature à l'académie royale des beaux-arts à Bruxelles, dont il assuma la direction pendant plusieurs années. lilimc et Noir Herman Richir a——Mil i .. Tu, ......-■■—- , _ _m————MTMimn- * i il Éife1' Alfred DELAUNOIS, peintre. Né à Saint-Josse-ten-Noode en 1875, de parents gantois, Delaunois habite Louvain depuis l'âge de sept ans. A l'académie de cette ville, il fut l'élève de Constantin Meunier. L'enseignement de l'auteur du Monument du Travail peut se résumer en ces mots : Regardez la nature ! — L'anatomie des corps ? La nature vous l'apprendra en ses formes vivantes, mieux que je ne pourrais vous l'expliquer. En cela Meunier ne fit que répéter le mot d'ordre qui se donna partout ailleurs. Le bon côté de cet enseignement consiste en ce qu'il donne libre cours au talent de l'élève consciencieux. Delaunois en est l'exemple le plus frappant. Sans réminiscences de l'art de son illustre maître, la personnalité du jeune artiste se manifesta dès le début d'une manière éclatante. Il n'avait que vingt-quatre ans, quand le musée de Bruxelles lui acheta son tableau Rétablissement du culte dans la cathédrale d'Anvers » ; en 1851, « La fête donnée à Rubens par la corporation des Arquebusiers d'Anvers ». En 1852 il fit un voyage en Allemagne. Visitant Francfort, Leipzig, Nuremberg et d'autres villes allemandes, il retrouva le cadre pittoresque du siècle de la Réforme, de Luther et d'Erasme. II s'entoure d'images gothiques, de manuscrits; il étudie le costume et les mœurs du XVI" siècle, qu'il faisait revivre avec tant de vérité que Théophile Gautier écrivait de lui : « Leys n'est pas un imitateur, mais un peintre du XVL siècle venu deux cents ans plus tard. »