J.-H. ROSNv LA PROMESSE PIECE EN TROIS TABLEAUX PAPIS P.-V STOCK, EDITEUR Ancienne Librairie T..ESSE & STOCK; ..... THEATRE-FRANÇAIS Tous droits de reproduction, de traduction et d'analyse réservés pour tous les pays, y compris la Suède et la Norvège. LA PROMESSE PIECE EN TROIS TABLEAUX Représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre national de l'Odéon, le 1er février 1897. EMILE COLIN—IMPRIMERIE DE LAGNY J.-H. ROSNY LÀ PROMESSE PIÈCE EN TROIS TABLEAUX PARIS P.-V. STOCK, ÉDITEUR (Ancienne Librairie TRESSE & STOCK) 8, 9, 10, 11, GALERIE DU THEATRE-FRANÇAIS PALAIS-ROYAL 1897 Tous droits de traduction, de reproduction et d'analyse réservés pour tous pays, y compris la Suède et la Norvège. PERSONNAGES BÉTHUNE.......... MM.Rameau LA JONCHÈRE........ Rousselle BARDOUX .......... Janvier MARTHE VERNEUIL..... Mlle Meurice MADAME CHATELAIN.... Dehon Un Soldat.......... Beauvais La scène, de nos jours, dans une propriété près de Paris. LA PROMESSE PIECE EN TROIS TABLEAUX ACTE PREMIER Un salon. — Porte vitrée ouvrant sur un jardin : arbres, fleurs.—Portes à droite et à gauche. — L'après-midi, vers quatre heures, en mai. SCÈNE PREMIÈRE BÉTHUNE, MARTHE. Au lever du rideau, Béthune, de- bout, en uniforme, achève de lire un journal. Marthe parcourt la Revue de Paris. Béthune, jetant le journal. Ça se gâte !... {Il frappe sur un timbre. Un temps, pais apparaît Bar doux.) BARDOUX Mon cap'taine?LA PROMESSE BÉTHUNE Faites prendre les journaux du soir... tout ce qui a paru... {Il lire sa montre.) Quatre heures !... BARDOUX Bien, mon cap'taine. (// sort.) béthune. Il fait quelques pas; à part. C'est peut-être la guerre. La guerre ! {Rêveur.) Serons-nous prêts ?... Ah ! marthe. Elle ferme la Revue. C'est féroce ! BÉTHUNE Quoi donc ? Cet article. Quel article ? MARTHE Un article sur les Indiens Peaux-Rouges. béthune, souriant. Ah ! vous lisez des articles sur les Peaux-Rouges? MARTHE Non !... C'est bien la première fois... Un mot m'a entraînée, puis l'autre... Le massacre de ces pauvres gens m'a saisie et la tranquille cruauté dont l'auteur excuse les meurtriers... MARTHE BÉTHUNEACTE PREMIER béthune, sèchement. C'est une race inférieure ! MARTHE Comment! inférieure... Ce sont des héros... dédai- gneux de la mort... indomptables... BÉTHUNE Des légendes!... Des cerveaux étroits, des pares- seux, ils n'ont pas voulu ni compris l'industrie... N'avaient-ils pas eu les siècles des siècles pour se perfectionner, tout comme nous? Alors, quoi? Ils n'en ont pas profité... donc, ils devaient s'évanouir devant l'invasion européenne ! MARTHE C'est bien cruel ! C'était leur pays, n'est-ce pas ? Ils y vivaient libres et tranquilles... BÉTHUNE Ils y vivaient en se massacrant les uns les autres, pour quelques bosses de bisons!... Ils avaient des plaines immenses et fertiles, de grands fleuves et des forêts... de tout cela, ils n'ont tiré que quelques misérables huttes pour s'abriter, des flèches, des arcs et des tomahawks pour combattre. C'était trop peu pour mériter d'être les maîtres du sol ! MARTHE Mais, du moins, pouvait-on leur laisser une bonneLA PROMESSE partie de cette terre qu'on leur a volée, tandis qu'on les refoule davantage chaque année... BÉTHUNE Et c'est bien fait ! En présence de la civilisation, au lieu de se mettre au travail, d'imiter nos procédés de culture et de fabrication, ils ont continué leur stu- " pide système de chasse et d'oisiveté ! MARTHE Mais ces pauvres gens n'ont pas compris cette civilisation ! BÉTHUNE Tant pis ! La civilisation les condamnait en ce cas à disparaître. MARTHE C'est affreux, capitaine!... Et je suis sûre que vous vous trompez aussi complètement que les fana- tiques de jadis ! Jamais je ne pourrai croire qu'il n'y ait pas un moyen plus noble et plus doux de civilisa- tion ! BÉTHUNE Alors, pourquoi mangez-vous du boeuf ? C'est aussi un être... Il a, comme vous, un cœur, des membres... des sens! Il est inoffensif et doux. En- quoi mérite-t-il la mort? Rien que parce qu'il est moins intelligent et moins prévoyant.ACTE PREMIER martke, ironique. Bonne leçon pour ceux qui vivront à votre ombre !... Et, sans doute, la femme vous apparaît, comme l'In- dien et... le bœuf, un être inférieur. BÉTHUNE Elle doit être dirigée. La femme qui ne sait pas obéir dissout la famille et la cité. MARTHE Vous êtes dur. BÉTHUNE Non, je ne suis pas dur... Je suis philosophe. MARTHE On peut l'être avec douceur... BÉTHUNE Pas dans mon métier... SCENE II BÉTHUNE, MARTHE, BARDOUX bardoux. // entre avec les journaux. Voici, mon cap'taine. BÉTHUNE Bon. (// ouvre vivement les journaux et jette un re- gard sur les dépêches.) Rien... l'inquiétude... lit jette les journaux, fait quelques pas et sort.)io LA PROMESSE SCENE III MARTHE, puis MADAME CHATELAIN marthe, 'lentement. Ce n'est pas là l'homme que j'aurais choisi ! (Elle demeure un instant rêveuse, la tête penchée ; geste d'ennui.) Pourquoi suis-je condamnée à cela?... (Len- tement.) J'ai juré de l'épouser... et les serments faits aux morts ne peuvent se reprendre... Je n'ai pas eu le choix... je ne pouvais pas refuser... Lorsque, dans cet affreux moment, ayant à peine conscience de ses paroles, déjà mort en quelque sorte, mon pauvre père a joint ma main à celle de cet homme, je ne pouvais dire non, et ma parole était irrévocable... Et pour- tant, est-ce un serment valable, celui où l'on a été contrainte plus que par la violence... contrainte par la terreur et la pitié... contrainte par la douleur et le désespoir !... Si mon père m'avait alors fait jurer de commettre un crime, aurais-je pu lui refuser ce triste serment? A coup sûr, je n'aurais pas même songé à commettre le crime ! Suis-je tenue davantage à con- sommer un sacrifice inutile... à tuer mon propre bon- heur. (Elle cache sa tête entre ses mains, puis, doulou- reusement:) Ah ! je ne puis pourtant désobéir... je ne puis reprendre ma parole au mort !...ACTE PREMIER I I SCÈNE IV MARTHE, MADAME CHATELAIN madame châtelain. Elle entre par la droite. On rêve, petite Marthe? MARTHE On rêve. MADAME CHATELAIN Et l'on semble triste. MARTHE On n'est pas gaie. MADAME CHATELAIN Pourquoi ? marthe, geste las. On voit sa vie comme un jardin qui n'aura pas de fleurs. MADAME CHATELAIN, affectueuse. Quelle absurdité, mon enfant ! MARTHE Je voudrais, ma chère madame Châtelain, être maîtresse de ma pauvre petite destinée : il pèse sur elle un poids lourd comme le monde ! MADAME CHATELAIN, émue. Je suis votre amie, mon enfant... et sans réserve.12 LA PROMESSE Il n'est pas bon, à votre âge, de garder pour soi des peines... Et voilà plusieurs semaines déjà que je vous vois si pensive, préoccupée, inquiète... {Un silence.) marthe, avec décision. Je n'aime pas l'homme que j'ai promis d'épouser.., MADAME CHATELAIN, Surprise. Béthune ?... Mais c'est l'homme le plus digne d'être aimé que je connaisse ! MARTHE Je ne dis pas non... Seulement, ce n'est pas celui que je puis, moi, aimer. Or, comme c'est moi juste- ment qui suis en cause... MADAME CHATELAIN Vous le connaissez mal... sans doute un peu par sa faute. Son cœur est excellent, ses affections pro- fondes et fidèles... il mourrait plutôt que de faillir à un devoir... MARTHE Oui, mais il est dur, impassible devant la souffrance, avec une telle confiance dans ses convictions person- nelles que l'on ne peut guère espérer qu'il tiendra compte de celles des autres. Sa parole me révolte, sa présence me cause une espèce de terreur, il m'ap- paraît dénué de charité, d'indulgence, de toute dou- ceur d'âme. L'idée de lui appartenir me remplitACTE PREMIER i3 d'horreur et c'est comme si l'on me proposait d'être esclave... MADAME CHATELAIN Vous exagérez. Béthune est rigide, mais non dur, juste mais non cruel — peu tendre mais dévoué... MARTHE Je supporterais ce caractère chez un tuteur ou chez un frère — mais il me serait intolérable chez un mari. Je veux être libre dans le mariage, avoir mes opinions et mes goûts personnels... Je veux qu'on me conquière par la douceur, je veux sentir la ten- dresse... alors seulement j'obéirais avec joie à l'homme aimé. Mais ce cruel combattant me prendra comme une vaincue, et je ne veux pas être une vaincue... H me donne l'impression d'un fauve qui dévorera ma vie... qui déchirera mes rêves comme une proie... MADAME CHATELAIN N'en croyez rien ! Il y a plus de douceur réelle chez Béthune que chez des milliers d'hommes à la parole douce... Patientez encore quelque temps, vous apprendrez à le mieux connaître, vous apprendrez à l'aimer. MARTHE On n'apprend pas à aimer ! Depuis trois mois que je vis ici et que je le vois chaque jour, loin de dé- croître, ma répulsion semble devenir irrémédiable.Ml i4 LA. PROMESSE Plus j'ai voulu l'aimer, moins je l'ai pu. Il est trop certain que cela ira empirant. Et pourtant, Dieu sait si j'aurais été heureuse d'avoir quelque inclination pour lui — afin d'obéir à ce lourd serment que je n'ai pu refuser à l'agonie de mon pauvre père !... Mais je ne puis, je ne puis pas l'aimer et c'est l'amer déses- poir de toutes mes minutes. madame châtelain, consternée. Ma pauvre enfant, je vous jure — vous avez mal regardé — vous n'avez vu que le revers des choses... La méfiance vous a portée à considérer ce que Bé- thune a d'un peu âpre... L'indulgence vous mon- trerait ce qu'un tel homme a de rassurant... quel sûr appui il serait dans une existence de femme ! MARTHE Un sûr appui, oui. Mais je ne demande pas un ap- pui ! Je veux être protectrice autant que protégée... obéissante mais obéie... son égale enfin et non une enfant à qui l'on dicte ses devoirs... Je veux surtout aimer... (Avec lenteur.) On ne vit qu'une fois ! SCÈNE V MARTHE, MADAME CHATELAIN, puis BARDOUX MADAME CHATELAIN, à mi-VOlX. On ne vit qu'une fois!... Et comme on vit mal...ACTE PREMIER l5 comme tout est difficile... plein d'obstacles... plein de vide ! (Entre Bardouxavec un journal et des lettres.) bardoux, d'un ion anxieux. Madame, est-ce que nous aurons la guerre ? MADAME CHATELAIN Je l'ignore, mon ami. BARDOUX Tout de même, madame, ça va mal ? MADAME CHATELAIN Ça ne va pas bien. BARDOUX Faudra en découdre... Sauf respect, madame, il manque des inventions pour la prochaine guerre... MADAME CHATELAIN, SOUÙante. Vous avez encore fait une découverte ? bardoux, mystérieusement. j'ai trouvé une pièce mécanique... qu'on mettrait au bout de la baïonnette... mais surtout... MADAME CHATELAIN Surtout? BARDOUX Un cheval à vapeur, un cheval qui galoperait comme un cheval ordinaire, avec un faux cavalier armé d'une longue lance qui irait d'avant arrière...mmm 16 LA PROMESSE Ça semblerait terrible, n'est-ce pas, un régiment qui chargerait et sur lequel la fusillade n'aurait aucun effet! MADAME CHATELAIN Et s'ils tombaient, tes chevaux : bardoux, inquiet. Le mécanisme serait arrangé de manière qu'ils ne tombent pas ! madame châtelain, riant. Bon ! tâche seulement que les Allemands ne te volent pas ton idée... BARDOUX On aura l'oeil, madame !... y a encore l'obus mar- chant... la boîte à poison... MADAME CHATELAIN, Se levant. Enlève les roses fanées dans cette jardinière. [Elle sort.) SCÈNE VI BARDOUX, il retire des fleurs de la jardinière, MARTHE ' BARDOUX Quel dommage que le capitaine n'ait pas plus d e goût pour l'invention... Un homme comme ça ! marthe, suivant son idée. Vous l'aimez bien le capitaine?ACTE PREMIER >7 bardoux, d'un air étonné. L'aimer ? Oui. MARTHE BARDOUX C'est défendu ! Marthe, stupéfaite. Ah! BARDOUX Oui, ça ne se peut pas. (Un silence.) BARDOUX Enfin, comprenez, je l'aime tout de même, mais faudrait pas le lui dire, c'est contre la discipline. Ma consigne est d'aimer la gloire. Une Supposition que le capitaine me dirait : « Bardoux, vous vous ferez tuer ici, » je n'irais pas lui répondre : « Oui, mon capitaine, par amitié pour vous. » Ça ne serait pas hiérarchique. On connaît son devoir; je lui dirais: « Pour l'honneur du régiment, mon capitaine. » Faut de la présence d'esprit, de l'imagination... C'est très compliqué, les histoires militaires. MARTHE Enfin, vous lui êtes dévoué. BARDOUX Ah! pour ça... y a pas moyen de ne pas être dé-LA PROMESSE voué au capitaine... Y a pas deux cœurs comme ça... Et qui sait rendre service... comme qui dirait qu'y ne sait pas lui-même.... Et puis il a l'œil, mademoi- selle... SCÈNE VII MADAME CHATELAIN, BÉTHUNE, et presqu'aussitôt MARTHE béthune, soucieux. Il tient le Temps à la main. De mal en pis! Il court un souffle auquel la France n'était plus accoutumée... Les plus prudents se sont réveillés devant la menace... La guerre soulèverait ce peuple qui semblait endormi... Pourvu que la presse... MADAME CHATELAIN Mais jusqu'à présent la presse est calme. BÉTHUNE Elle est parfaite. MADAME CHATELAIN Vous redoutez donc bien la guerre?... Vous ne nous croyez pas assez forts? BÉTHUNE Qui ditcela? Sans doute, nous sommes forts. Mais nous avons déjà tant payé, et cette fois, c'est la ruine! WÊÈËËÊÈACTE PREMIER 19 marthe, qui est rentrée depuis un instant, d'une voix sèche. Vous qui croyez que les vaincus ont tort, capitaine, vous devez trouver notre défaite de 1870 une trop juste punition. béthune, tristement. Hélas! nous méritions une leçon. MARTHE Et si nous sommes vaincus encore, il n'y aura plus qu'à dire, comme pour les Indiens : « C'est bien fait! » béthune, âprement. Oui, si nous sommes vaincus, on dira que c'est bien fait! Et c'est pour cela que nous devons raidir nos bras pour la victoire, que chacun d'entre nous doit étudier, étudier avec acharnement et sincérité... Car, si nous espérons la victoire par une simple fa- veur de la fortune, nous n'en sommes pas dignes... Il faut toujours veiller, toujours vouloir... Malheur aux races qui ne veillent ni ne veulent!... Etaufond, qu'est-ce que toujours vouloir? C'est être optimiste... approuver les lois de l'existence et non se découra- ger devant elles... Du jour où les peuples se désin- téressent des buts à atteindre pour bavarder sur l'inu- tilité de tout effort, les armes leur tombent des mains...20 LA PROMESSE MARTHE Je comprends la volonté... Mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'on doive être féroce et dé- daigneux à perpétuité !... BÉTHUNE Il faut être stoïque... (Un silence. Marthe prend une revue. Béthune regarde le Temps et madame Châ- telain se retire par la porle de droite.) béthune, d'vne voix presque douce. Marthe! MARTHE Quoi donc? béthune J'ai quelque chose à vous demander ? MARTHE Dites. BÉTHUNE La promesse que nous avons faite... quand croyez-vous pouvoir la tenir? MARTHE Je ne sais. BÉTHUNE Vous n'y avez pas réfléchi ?ACTE PREMIER 21 MARTHE Je ne fais qu'y songer. BÉTHUNE Eh bien? (Un silence, puis Marthe, avec un geste brusque, se décidant.) MARTHE Oui, je ne fais qu'y songer... Aujourd'hui même, tantôt... une résolution trop longtemps suspendue s'est affermie en moi... Et je voudrais vous dire des choses sérieuses! béthune, grave. Ah! Marthe, s'animant. Très sérieuses!... Je crois qu'il y a entre nous un grand malentendu qu'il faut éclaircir. béthune Quel malentendu? MARTHE Est-ce qu'il peut y en avoir un autre que la pro- messe de mariage qui nous lie? Est-il possible que vous n'ayez pas compris que l'engagement qui m'a été arraché est injuste? béthune, saisi. Vous dites ? Qui donc, Marthe, vous a arraché un engagement injuste?mm 22 LA PROMESSE MARTHE Vous! BÉTHUNE Moi! Ce n'est pas moi du tout. Il est même diffi- cile de concevoir comment vous pouvez le prétendre. Vous savez bien que c'est votre père qui l'a voulu... MARTHE C'est vous qui voulez fixer une date. BÉTHUNE Mais non... Je vous propose une date... C'est tout. Pourquoi ces faux prétextes?... Il serait plus loyal de garder aux faits leur signification réelle. MARTHE N'importe! Mettons que vous êtes hors.de cause; c'est donc mon père qui m'a demandé une promesse que je ne puis tenir. BÉTHUNE Voulez-vous dire que vous reprenez la promesse faite au lit de mort de votre père ? MARTHE Oui. (Un silence.) béthune, d'une voix haute. Alors, votre parole, votre serment, votre père dis- paru, les choses les plus sacrées, ça né compte pas?..ïACTE PREMIER 23 Vous les effacez d'une main légère d'enfant?... Vous vous parjurez ! MARTHE C'est à votre raison que je m'adresse et à votre justice... A l'heure où j'ai promis, avais-je la liberté du choix? Auprès de l'être aimé, que la mort prenait devant nos yeux, étais-je encore une créature de vo- lonté et de raison? A demi folle de douleur... pou- vais-je répondre non à aucune exigence de mon pauvre père ? (Un silence.) Marthe, reprenant. Vous ne répondez pas ? C'est bien ! (S'animant.) Si j'étais, comme je l'affirme, irresponsable, dois-je en toute justice tenir l'engagement ? Vous me parliez de choses sacrées... Mais vraiment, pour vous, que j'ai entendu cent fois invoquer la fatalité, un engage- ment envers un mort est-il plus sacré qu'envers un vivant?... J'ai adoré mon père, et vous le savez bien. Mais je crois fermement que la promesse exigée par un moribond, à l'heure où il perd la vision claire des choses, a plus de chances de n'être pas juste qu'une autre ! BÉTHUNE Mais son désir de nous voir unis ne date pas de ce moment... Il y pensait depuis longtemps. Il y voyait votre bonheur... Cela avait été réfléchi — mesuré —smt 24 LA PROMESSE et lorsque, à sa dernière heure, il a demandé notre promesse, ce n'était pas une parole au hasard, ce n'était pas un souhait né à l'instant qu'il formulait, mais la conclusion d'un long débat, un vœu solen- nel, un vœu que l'heure de la mort rendait plus sacré ! marthe, geste de douleur. Un vœu, vous l'avez dit, qui ne visait que mon bonheur!... Mais j'ai trop connu l'amour et la bonté de mon père pour ne pas croire qu'il eût été le pre- mier à me délier, s'il avait pensé que je ne pouvais pas être heureuse de la manière qu'il imaginait... BÉTHUNE Mais il ne peut plus vous délier. MARTHE C'est pourquoi il faut que je me délie moi-même... BÉTHUNE Le respect des morts... marthe, lentement. Le respect des morts ne saurait exiger le malheur des vivants ! {Silence.) BÉTHUNE Alors vous accusez votre père d'injustice ? marthe, vivement. C'est vous que j'accuse d'injustice ! Je suis intime-ACTE PREMIER 25 ment persuadée que vous ne croyez pas que j'accuse mon père. J'accuse le trouble de son agonie et non son intention, qui n'a pu être que bonne et tendre ! {Un silence.) BÉTHUNE Est-ce tout ? MARTHE C'est tout ! Il vous reste à me répondre, à me prouver que j'ai tort .. A moins que vous ne préfériez faire comme mes maîtresses de pension... qui se con- tentaient de me traiter de petite raisonneuse. BÉTHUNE Pourquoi n'avoir pas dit tout cela dès le lende- main... ou tout au moins les jours suivants? MARTHE C'est là mon vrai tort. J'ai été lâche, timide, et vraiment, de cette chose-là, il faut que je vous de- mande pardon ! BÉTHUNE C'est bien !... Mais, Marthe... pourquoi donc vou- lez-vous briser notre engagement ? MARTHE Mc-> Dieu ! Vous le savez bien ! Je ne le sais pas ! BETHUNE26 LA PROMESSE MARTHE Parce qu'il n'y a point d'amour entre nous. [Si- lence.) BÉTHUNE Vous n'aimez personne ? MARTHE Non. BÉTHUNE Je vous répondrai demain. MARTHE A quoi bon? Du moment que j'ai parlé, c'est que je suis résolue à rompre ma promesse —et je ne serai pas moins résolue à la rompre demain qu'aujour- d'hui ! BÉTHUNE C'est bien. Vous reprenez votre parole ; mais je n'ai pas, moi, le droit de vous la rendre. Pour mon compte, je reste fidèle au serment. (Silence.) Vous me haïssez donc bien ? MARTHE Je vous haïrais comme mari, mais autrement, non. BÉTHUNE Et pourquoi me haïriez-vous comme mari ? marthe, avec une révérence. Parce que j'aimerais autant mourir que d'être trai- TT ■ ACTE PREMIER 27 tée par vous en vaincue ! [Elle sort par la porte de droite. Béthune demeure la tête basse, les sourcils con- tractés.) BETHUNE Elle m'a brisé RIDEAUV ACTE DEUXIEME Le théâtre représente un grand jardin. — Au fond, un parc. — Entrées à droite, à gauche une grille avec porte ouverte : on entrevoit la campagne derrière la grille. — Bancs, chaises, etc. An leter du rideau madame Châtelain et Béthune sont assis sur un banc, au devant de la scène. SCÈNE PREMIÈRE MADAME CHATELAIN MADAME CHATELAIN Tu devrais voyager... profiter de ton congé pour visiter les Alpes... ou la Lorraine... béthune, sombre. Pourquoi? MADAME CHATELAIN Tu te ronges, ici.ACTE DEUXIEME 2 9. BETHUNE Mais non. MADAME CHATELAIN Pas à moi qu'il faut dire cela. Je te connais depuis trop longtemps, mon pauvre Henri! (Silence.) béthune, brusquement. Eh bien ! oui, je me ronge... Je ne puis me domi- ner... Elle occupe mes jours et mes nuits!... (Il se lève, il marche nerveusement.) Je suis créé pour n'ai- mer qu'une seule femme, et justement il se trouve que c'est celle-là ! J'ai cru pouvoir la détester — j'ai cru pouvoir la mépriser ! Si je l'avais méprisée, j'au- rais cessé de penser à elle — car je ne suis pas de ceux qui aiment par contradiction, par dépit, par attrait du fruit défendu... Mais j'ai dû reconnaître qu'elle avait agi loyalement, courageusement, avec un esprit lucide. Tout en restant bien femme, elle a su placer le débat en dehors des mesquineries. Loin de la mépriser, j'ai été forcé de l'estimer, de reconnaître son mérite, et alors, que voulez-vous, elle est deve- nue la misère de ma vie, le rêve à jamais interdit... la chagrine chimère... MADAME CHATELAIN Pourquoi ne te reviendrait-elle pas ? BÉTHUNE J'ai pu l'espérer. Je ne l'espère plus. L'amour, si 2.3o LA PROMESSE capricieux soit-il en général, est, à certains égards, le plus conséquent des sentiments. Il revient rare- ment sur ses pas, et, pour peu qu'on ait déplu, on ne saurait plaire dans l'avenir. MADAME CHATELAIN La haine est un des chemins de l'amour. béthune, l'interrompant. Tant que j'ai cru que c'était de la .haine, j'ai pu espérer. Mais ce n'est, de sa part, que de l'incom- patibilité. MADAME CHATELAIN Il y a eu de la haine dans cette volonté de n'être pas vaincue... Il y a eu de la haine dans cette viva- cité à te contredire... Il y a eu de l'amour-propre blessé dans ces silences... Tout cela n'est pas que de l'incompatibilité. Tu n'as pas su montrer le fond de ton être, tu n'as pas su la traiter en égale... Elle s'est révoltée plutôt qu'elle n'a cédé à de la répul- sion... Et maintenant encore, ton attitude raide... tes longs silences... le ton sec et froid dont tu lui parles, offensent sa fierté. BÉTHUNE Je ne puis m'humilier ! MADAME CHATELAIN Tu ne seras pas humilié pour quelque attitudeACTE DEUXIEME 3i plus douce — pour avoir montré ta peine — tandis qu'il semble que tu montres ton courroux. BÉTHUNE A quoi me servirait, mon Dieu ! de montrer ma peine... La peine de l'homme qu'on n'aime pas n'est qu'odieuse et ridicule. MADAME CHATELAIN Sa colère l'est davantage. BÉTHUNE Nous dissertons sur le néant! La femme n'aime pas les vaincus — du moins ceux qui sont vaincus par elle — et ma douceur ne susciterait aucun sentiment qui me convienne. D'ailleurs, mon sort est double- ment décidé depuis notre arrivée ici... Tu le sais bien ! MADAME CHATELAIN Quoi? BÉTHUNE Eh ! ce La Jonchère que vous rencontrez partout chez vos amis... et qui vous guette sur les planches... MADAME CHATELAIN Un enfantillage ! béthune, ironique. Le mot éternel des parents et des tuteurs... Si l'on pesait les enfantillages des jeunes filles, il se trouve-32 LA PROMESSE rait que c'est le plus clair de la vie... (Amèremenl.) L'amour et la jeunesse ! MADAME CHATELAIN Faut-il éviter LaJonchère? BÉTHUNE Garde-t'en bien!... Tu ne ferais que rendre défi- nitif ce qu'il peut encore y avoir d'incertain dans le cœur de Marthe...- D'ailleurs, pourvu que l'aventure soit correcte, je n'ai aucun droit d'y intervenir... (Re- gardant à droite.) Voici Marthe. J'aurai, tout à l'heure, un mot à lui dire. (Marthe entre par la droite.) SCÈNE II MADAME CHATELAIN, BÉTHUNE. — Entre LA JONCHÈRE, puis MARTHE la jonchère, à madame Châtelain. Ma tante me prie de prendre de vos nouvelles. Est-ce sérieux, cette indisposition ? MADAME CHATELAIN Un simple froid ! LA JONCHÈRE Croyez-vous pouvoir venir ce soir ? MADAME CHATELAIN Je ferais mieux de m'abstenir. (A Marthe.) Déjà au grand air ?ACTE DEUXIEME 33 MARTHE Oui, il me faut mon bain d'air matinal. LA JONCHÈRE Ah ! vous avez bien raison ! La santé ! Moi, je suis très hygiéniste et mon quart d'heure de salle, ma douche, ma promenade, si je ne les avais pas, je me sentirais toute la journée un malaise 1 BÉTHUNE L'hygiène est un devoir. LA JONCHÈRE Un devoir... intéressé... BÉTHUNE Tout devoir est intéressé. Il suffit qu'il aboutisse finalement au bien général. LA JONCHÈRE J'avoue que je n'y songe guère... Tant mieux, si c'est pour le bien général... BÉTHUNE Ah ! c'est que mon métier me porte toujours à étendre chaque acte à la masse... Le maniement des hommes apprend à goûter le plaisir d'organiser sa vie... MADAME CHATELAIN Oui, mais il ne peut tout organiser... Bien des choses exigent une part d'imprévu...34 LA PROMESSE LA JONCHERE C'est bien mon avis... Surtout dans les questions de sentiment... BÉTHUNE Le sentiment laissé au hasard ne me donne guère confiance. MARTHE Laissé au hasard, non... mais au moins qu'il soit libre. BÉTHUNE Oui, mais il n'a de grandeur qu'en se créant un but. LA JONCHÈRE 11 n'en a qu'un... Il se suffit à lui-même. BÉTHUNE Croyez-vous?... Vous faites bon marché de la du- rée du sentiment, qui dépend de la force du carac- tère. LA JONCHÈRE De la force même du sentiment, plutôt. MADAME CHATELAIN J'ai toujours pensé que la force du sentiment dépendait de la force du caractère. M.....IllllllllACTE DEUXIEME 35 MARTHE La force du caractère, pourvu qu'elle ne devienne point de la tyrannie. BÉTHUNE Toute discipline paraît une tyrannie, mais son but peut être une liberté plus haute. [Geste de surprise de Marthe.) D'ailleurs, je vois ces choses en soldat et, sans doute, quelquefois, avec un peu de rigueur... Mais je crois fermement qu'il n'est point de bonheur en dehors d'une règle de conduite... MADAME CHATELAIN La femme n'est pas assez mêlée aux choses graves de la société pour avoir une conduite aussi arrêtée que celle de l'homme. BÉTHUNE La femme appartient à la famille. LA JONCHÈRE Vous la mettez en prison. [Signe d'approbation, de Marthe.) béthune, vivement. Mais ne peut-elle participer... marthe, ironique. ... A son propre esclavage ! béthune, se levant. Vous ne voyez pas que les plus grandes douceurs36 LA PROMESSE et les plus grandes tendresses sont au prix de quelque soumission ? MARTHE ... Réciproque ! LA JONCHÈRE Charmant ! Au revoir, capitaine. MADAME CHATELAIN Dites à votre tante... (ExitLa Jonchère et madame Châtelain.) SCÈNE III MARTHE, BÉTHUNE. Ils gardent le silence pendant le départ de madame Châtelain. BETHUNE MARTHE Marthe ! Hé? BÉTHUNE Songez-vous parfois à votre avenir ? MARTHE Pourquoi ? BÉTHUNE Parce que moi j'y songe — comme c'est mon devoir . et que je désire en parler avec vous — au moins uneACTE DEUXIEME 37 fois. . Je tiens à ce que vous ayez la certitude de votre entière liberté — pour tout ce qui est conve- nable — et particulièrement en ce qui concerne votre mariage... Marthe, étonnée. Mon mariage béthune, froid. Sans doute, votre mariage... Il faut y penser; non point qu'il y ait urgence — mais du moins devez-vous être constamment en situât.on de faire votre choix. Il est nécessaire que vous fréquentiez davantage le monde et je compte prendre à cet égard des mesures. Est ce que cela vous convient? m \r 1; e, sèche. Cela me convient parfaitement. BÉTHUNE J'espère que vous voudrez bien avoir en moi assez de confiance pour me transmettre — ou me faire ceux de vos projets qui exigent mon transmettre intervention. Bien. MARTHE BETHUNE Vous pouvez d'ailleurs compter sur moi, et vous 338 LA PROMESSE me trouverez prêt à vous seconder loyalement s'il est nécessaire. MARTHE Je vous remercie. béthune. Il tire sa montre, hésite un instant, puis, d'un ton brusque. Vous n'avez rien à me demander ? MARTHE Rien. BÉTHUNE Alors... (Inclination de tête. Il sort.) SCENE IV MARTHE A quoi rime cela? Pourquoi s'inquiète-t-il de mon mariage ? Que m'importe ! Il m'est trop doux d'être libre après avoir failli être la prisonnière de cet homme. (Rêveuse.) Il m'est trop doux d'être libre! (Elle fait quelques pas. La Jonchère paraît à la porte du grillage.)ACTE DEUXIEME 3g SCENE V MARTHE, LA JONCHÈRE MARTHE Je vous croyais parti. LA JONCHÈRE Je vous ai vue... un irrésistible attrait... marthe, railleuse. Le plus irrésistible attrait ne doit pas dépasser cette porte. la jonchère, gaiement. Je ne l'ai pas franchie ! MARTHE Si. Vous avez fait un pas sur le territoire contesté. LA JONCHÈRE Le pas du pauvre... MARTHE Ou du maraudeur. LA JONCHÈRE Oh ! le maraudeur ne serait pas venu par ici... MARTHE Va pour le pauvre.40 LA PROMESSE LA JONCHERE Ne lui ferez-vous pas l'aumône ? MARTHE Je ne fais pas l'aumône aux mendiants... M. Donon a démontré qu'ils sont tous riches 1 LA JONCHÈRE Il ne m'avait pas rencontré !... (Il fait un pas.) MARTHE Cette fois la violation est flagrante. la jonchère, d'un ton suppliant. Donnez-moi une rose ? MARTHE Non... Repassez la frontière. la jonchère, nouveau pas. Puisque la douceur est impuissante... marthe, sérieuse. Je vous en prie, monsieur... la jonchère, se retirant. Pardonnez-moi... j'ai tort de plaisanter... Mon cœur est si plein de choses depuis ce jour où je vous ai rancontrée, près de la vieille fontaine rouillée!... Je n'ai qu'à fermer les yeux, les moin- dres détails m'apparaissent... la mousse, la tra- chée d'aubépine qui vous ombrageait... ce ciel deACTE DEUXIEME 4» bonheur où couraient des nuages fins comme des colombes blanches... le ruisseau qui luisait entre les frênes... et la charmante statue moderne que vous faisiez là et qui transfigurait chaque chose... Depuis lors, je n'ai qu'un seul rêve... un rêve mélancolique et charmant où tient l'univers tout entier... marthe, troublée. Je ne puis vous entendre... (Elle regarde autour d'elle avec inquiétude.) la jonchère, suppliant. Accordez-moi un moment encore. Je n'ai rien à vous dire qui ne soit avouable, honnête... Vous n'avez pas le droit de me refuser! MARTHE Je ne puis vous laisser entrer dans ce jardin... et... LA JONCHÈRE Eh bien! faites quelques pas sur la route... marthe, indécise. Le puis-je ? LA JONCHÈRE Quelques pas !... Jusqu'à la rivière !... N'ètes-vous pas libre de vos actes... quand ils sont innocents? MARTHE Libre, oui... comme une jeune fille... dans une cage ! ..42 LA PROMESSE LA JONCHERE Qui craignez-vous ? MARTHE Ce qu'Esope estimait de meilleur et de pire. LA JONCHÈRE Plutôt votre tuteur... marthe, durement. Lui!... LA JONCHÈRE Alors, quelques pas... vraiment! marthe, énervée. Eh bien, soit !... (Elle sort par la grille. Après que les jeunes gens ont disparu, apparaît Béthune.) SCÈNE VI BETHUNE, seul. Sortie... seule avec cet inconnu... Il n'a eu qu'à paraître... il n'a eu qu'à parler... Ah ! ah ! la lutte... la volonté... La vie est comme ces ridicules légendes où la baguette de la fée joue au petit bonheur... Les fleurs à l'un, les crapauds à l'autre... (Silence.) Je ne puis pourtant pas lui permettre de courir les routes... Je veux, je dois lui dire... c'est mon devoir... mais avec calme... avec raison... (Il sort par le fond.)ACTE DEUXIEME 4.3 É SCÈNE VII il BARDOUX, un Soldat La scène reste un moment déserte, puis Bardoux apparaît avec un soldat. BARDOUX Qu'est-ce que tu penserais, si je donnais à l'armée française d'énormes rouleaux de fer... qui courraient d'eux-mêmes sur l'ennemi et qui en écraseraient des mille et des milliades?... C'est ça qui ferait de la sau- cisse de Francfort ! LE SOLDAT Quelle tête que t'as! BARDOUX Et puis, dans les rouleaux, y aurait du chloro- forme qui sortirait par des petits trous... Alors tous ceux qui ne seraient pas morts seraient endormis ! [Avec enthousiasme.) Cent mille hommes endormis! LE SOLDAT Où que tu déniches des idées pareilles! BARDOUX Une supposition qu'on ait dressé des corbeaux — c'est aussi intelligent que des chiens, les corbeaux, tandis que les pigeons c'est bête. — On en aurait des44 LA PROMISSE milliers, qui porteraient tous un petit obus qu'ils lâche- raient sur l'armée allemande quand on leur z'y enver- rait d'autres vieux corbeaux dressés à crier: « Lâchez tout! » Au moment ousque les vieux corbeaux arri- veraient crier parmi les autres, y lâcheraient tous en- semble leur obus... comme on leur z'y aurait appris... Crois-tu, mon vieux salaud, que ça ferait un fameux enterrement de Pruscots? LE SOLDAT Cré nom de nom, t'as dans la balle des choses qu'on en est tout embasourdi!... T'es un homme du génie... .bardoux, mystérieux. Faudrait faire un trou, mon copain, au lieu de percer des îles de Panama... un trou dans le feu cen- tral... et faire cuire l'Allemagne dans une tourte! (Mettant la main en visière devant ses yeux et regar- dant vers le fond.) Vlà le capitaine... Quel dommage qu'y donne pas dans l'invention!.., (Avec pitié.) Y croit encore aux troupiers... (Il entraîne son cama- rade vers la droite où tous deux disparaissent. Marthe entre par la grille.) J.ACTE DEUXIEME 4b SCENE VIII MARTHE, BÉTHUNE MARTHE Il m'a suivie, c'est indigne!... (Elle avance vers la gauche, Bélhune arrive par le fond. Elle s'arrête d'un air de bravade.) Vous me surveillez, alors! BETHUNE Oui. marthe, nerveuse. C'est beau! C'est d'un grand caractère. BÉTHUNE C'est mon devoir! marthe, haussant les épaules. Allons donc!... Votre devoir, c'est la satisfaction de votre tyrannie... de cette tyrannie que je refuse de subir. J'entends être libre, agir selon ma volonté et non selon la vôtre. béthune, dur. Vous oubliez que les jeunes filles, en France, ne sont pas libres de courir seules les grandes routes! MARTHE Ce n'est pas de vous que j'accepterai la leçon. 3. à46 LA PROMESSE BETHUNE Je suis votre tuteur. MARTHE N'importe!... Jamais je n'écouterai vos ordres... Si vous avez quelque chose à me reprocher, faites-le par l'intermédiaire de madame Châtelain (Un si- lence.) béthune, durement. Je n'ai pas à cet égard à consulter vos goûts. Vous m'avez été confiée ; je réponds de votre avenir, et je suis aussi décidé à prendre les mesures nécessaires contre ce qui est illicite qu'à vous laisser une entière liberté pour tout ce qui peut être permis à une jeune fille de notre monde. Marthe, avec violence. Je ne subirai ni votre autorité, ni vos remontrances : j'ai autant que vous la notion de ce qu'il convient et de ce qu'il ne convient pas de faire. béthune Vous ne le prouvez pas... Nul tuteur ne saurait admettre la légèreté dont vous venez de vous rendre coupable ! marthe, indignée. Coupable!... Ah! voilà un mot que je ne vous par- donnerai jamais. ACTE DEUXIEME béthune, sombre. Soit. Je n'en aurai pas moins agi dans votre inté- rêt. marthe, frémissante. Oui... mais lâchement, brutalement, en abusant de votre situation, en mêlant le dépit à l'autorité et la vengeance au devoir! béthune, d'une voix forle. Marthe !... ces paroles... marthe, l'interrompant. Elles valent les vôtres ! Si je dois subir vos odieux reproches, comptez que vous recevrez les miens en retour. A la tyrannie, la révolte. (Mouvement de Bé- thune.) béthune, âprement. C'est bien. Je vous ferai faire par madame Châte- lain les recommandations que je jugerai utiles. Mais n'espérez pas que je me relâche de ma surveillance : au mépris de votre haine, je veillerai sur votre ave- nir... Votre âge, — vous n'avez pas vingt ans — me défend de vous laisser à vous-même : ce serait faillir aux engagements sacrés que j'ai pris envers celui qui n'est plus — et moi je ne romps pas mes serments. [Mouvement de Marthe.) Pour le surplus, croyez bien que je ne vous interdirai que les écarts que notre48 LA. PROMESSE société réprouve. Vous auriez justement sujet de me haïr plus tard, si je vous exposais à être blâmée par le monde... Ne dites pas non!... Il n'est personne d'assez fort pour résister victorieusement à l'opinion : c'est un despote autrement terrible qu'un tuteur. MARTHE Eh bien, soit!... Mais vous m'avez promis défavo- riser les occasions pour faire mon choix... BÉTHUNE Je ne ferai rien qui puisse entraver votre choix, si- non... Marthe, ironique. Il y a un sinon... BÉTHUNE, dur. Un seul. MARTHE Peut-on savoir? BÉTHUNE Assurément. Il faut que votre choix ne soit pas indigne de vous. MARTHE Ah ! et qui décidera si mon choix est digne ou in- digne? Est-ce vous? Par exemple, monsieur de La Jonchère, vous paraît-il indigne?ACTE DEUXIEME 49 BÉTHUNE Non... (Un silence.) Croyez-vous, Marthe, que ce soit là un parti convenable pour vous... pour vous ? marthe, hésitant. Il me semble... BÉTHUNE Réfléchissez. (// sort par la gauche.) SCÈNE IX MARTHE, seule, rêveuse. Comme il est devenu pâle ! RIDEAUM ACTE TROISIÈME Le salon du premier acte. — Au lever du rideau Béthune cachette une lettre, madame Châtelain fait quelque ou- vrage au crochet. SCÈNE PREMIÈRE BÉTHUNE, MADAME CHATELAIN béthune, appuyant sur un bouton. Voilà ! (Bardoux apparaît à gauche.) MADAME CHATELAIN, Suppliante. Mon cher Henri, accorde-moi encore un répit... béthune, sombre. Ma bonne tante... je dois me décider maintenant ou jamais... et je suis tout décidé... Je te jure que je 4ACTE TROISIEME 5i ne puis faire autrement. {Il fait signe à Bardoux d'em- porter la lettre.) MADAME CHATELAIN Tu me brises le cœur. béthune, avec douceur. Je ne puis plus vivre à Paris... tout m'y porte à la colère, à la tristesse, au découragement. Ma des- tinée est morte : Je n'ose plus mettre d'espérance que dans le travail... Cette petite fille m'a vaincu... elle m'a gâté l'univers... Là-bas, à Belfort, je m'ab- sorberai dans ma profession... je lutterai contre moi- même en me préparant à lutter contre l'ennemi... MADAME CHATELAIN Je te suivrai... Il me serait aussi impossible de vivre sans toi, qu'une mère sans son unique enfant. BETHUNE Tu ne pourras t'habituer... MADAME CHATELAIN Quelle bêtise!... Je ne vais dans le monde que pour Marthe... ma vraie place est au foyer... Si j'ai là-bas, autour de moi, ces bons meubles familiers (Elle fait un geste circulaire), sois sûr que je ne senti- rai pas la différence. Tandis que si j'étais loin de toi, je n'aurais plus qu'à mourir comme une pauvre femme sans enfants !52 LA PROMESSE BÉTHUNE, éïïlU. S'il en est ainsi !... (71 l'embrasse.) Mais Marthe... MADAME CHATELAIN Elle vivra avec ma sœur... j'ai fait des ouvertures dès que tu m'as communiqué tes intentions... Hélène sera un meilleur chaperon que moi, et la conduira plus souvent dans le monde... Marthe l'aime d'ail- leurs beaucoup ! béthune, amer. Tout sera pour le mieux. D'ailleurs, Marthe ne tardera pas à être mariée. MADAME CHATELAIN J'ai là-dessus quelque doute. Ce La Jonchère... BÉTHUNE Oui... c'est un homme léger... mais elle n'est pas de celles dont on s'amuse, la petite fille qui a brisé mon bonheur. (Entre Bardoux.) SCÈNE II BARDOUX,BÉTHUNE BARDOUX M. de La Jonchère demande si monsieur est visible.ACTE TROISIEME 53 béthune, sombre. Faites entrer. {Sortie de Bardoux à droite et madame Châtelain à gauche.) SCENE III BETHUNE, LA JONCHERE la jonchère, un peu sec. Je regrette, monsieur, de me présenter à l'heure où sans doute vous travaillez... L'importance de ma démarche sera mon excuse... (Béthune s'incline.) J'aime votre pupille et j'ai l'honneur de vous deman- der sa main, à moins que vous n'ayez des motifs d'opposition à faire valoir contre ce mariage. BÉTHUNE Aucun, monsieur. Ma pupille est absolument libre. Je n'aurais de réserves à faire que sur des questions d'honorabilité, et comme la vôtre et celle de votre famille sont indiscutées, mon consentement suivra celui de mademoiselle Verneuil. Veuillez donc lui adresser votre demande à elle-même. LA JONCHÈRE, Sec. Je l'ai fait. Mademoiselle Verneuil a réservé sa réponse — mais en me faisant savoir qu'elle tenait à être assurée tout d'abord de votre entier consente- ment.1 54 LA PROMESSE BETHUNE J'ai dit que je ne saurais le refuser. LA JONCHÈRE Je vous remercie. Il m'a paru, en outre, que, dans une certaine mesure, elle désirait que votre consen- tement eût un caractère d'approbation. béthunk, sombre. C'est me demander ce que j'ignore moi-même. Tout ce que je puis dire, c'est que je ne vois aucune raison pour qu'elle soit moins heureuse avec vous qu'avec un autre. LA JONCHÈRE, SeC. C'est une manière d'approbation... {Un court si- lence.) Voulez-vous me permettre d'avoir une entre- vue avec mademoiselle Verneuil ? béthune, durement. Oui... A l'instant. {Ilsort par la gauche.) 1 SCÈNE IV LA JONCHÈRE, puis MARTHE LA JONCHÈRE, Seul. Un parent que je ne verrai pas souvent!... {Avec un sourire.) Bah ! qui sait?... Le plus galant homme,ACTE TROISIÈME 55 dans certaines circonstances, peut se sentir un peu morose... (Entre Marthe.) LA JONCHÈRE J'ai parlé, selon votre désir, à monsieur Béthune. MARTHE Eh bien ? Il consent. Et il approuve.' LA JONCHERE MARTHE LA JONCHÈRE Sans enthousiasme. C'est-à-dire?... MARTHE LA JONCHERE Il ne croit pas que vous soyez moins heureuse avec moi qu'avec un autre... MARTHE Ah 1 (Un. silence.) la jonchère, tendre. Me répondrez-vous, maintenant? MARTHE Je ne sais.56 LA PROMESSE I LA. JONCHERE Vous avez promis. MARTHE Oui... mais... la jonchère, avec chaleur, lui baisant la main. Vous tenez dans cette petite main le bonheur de ma vie ! MARTHE Votre bonheur — et le mien ; — cela mérite encore quelques jours de réflexion. la jonchère, passionné. La réflexion ne vous dira rien. C'est votre cœur que vous devez consulter. Il faut m'aimer comme je vous aime... {Unepause.) Marthe, tristement. Figurez-vous... longtemps j'ai pensé que vous ne m'auriez pas assez aimée pour me demander en ma- riage... Et alors... la jonchère Et alors ?... MARTHE J'ai oublié de m'interroger au fond... tout au fond!... J'ai eu peur de m'avancer, j'ai pensé queACTE TROISIEME 5" vous ne m'aimeriez pas longtemps... et je voudrais occuper le cœur de mon mari tout entier! LA JONCHÈRE Mais je vous aime, Marthe... Je veux vous donner toute ma vie... Tout ce que j'ai recherché, poursuivi, n'est rien au prix de votre personne. — Si vous sa- viez comme mon cœur est plein de vous 1... Jamais je ne pourrai vous dire. Vous m'avez parlé de votre passé, des sympathies qui vous manquaient. Je veux tout être pour vous... vous environoer de soins... éloigner toute tristesse... [Un silence.) Je ne vous plais donc pas ? MARTHE Si... Mais je ne sais pas exactement de quelle manière vous me plaisez... LA JONCHÈRE Mais alors, pourquoi donc m'avez-vous permis de parler à votre tuteur? [Un silence.) Vous ne répondez pas!... Songez-vous à l'humiliation que serait pour moi cette démarcher... Songez-vous surtout à la dou- leur de vous perdre, alors que j'avais tout droit de croire qui vous seriez à moi? MARTHE Vous m'avez beaucoup pressée... Je ne vous ai, d'ailleurs, pas promis une réponse décisive... Vous5" LA PROMESSE > m'aviez demandé de faire cette démarche, lorsque je vous ai dit que je tenais à l'approbation de monsieur Béthune... LA jonchère Je trouve que vous vous attardez trop à cette appro- bation... On pourrait croire que c'est à monsieur Bé- thune même que vous tenez. MARTHE Monsieur!... LA JONCHÈRE Pardonnez-moi... Mais vous me mettez dans une telle situation... Du moins, laissez-moi espérer. MARTHE Je n'ose. LA jonchère, froid. C'est un congé? MARTHE Non... c'est que je ne sais plus... Pardonnez- moi... J LA JONCHÈRE En amour, il n'y a rien à pardonner. On aime. On n'aime pas. (Avec intenlion.) Nous réfléchirons. MARTHE Nous réfléchirons. (Nouveau silence.) ACTE TROISIEME 59 la. jonchère, à part. Sainte liberté! qui sait si je ne bénirai pas un jour cette petite sotte ! (Cérémonieux.) Mademoiselle ! (// sort.) SCÈNE V MARTHE, puis MADAME CHATELAIN mârthe, seule. Je n'ai décidément pas la sorte d'âme qui s'accorde avec les événements ! J'aurais bien cru pourtant — là-bas, dans les premières rencontres — que celui-ci me plairait, etaujourd'huila seule pensée de lui appar- tenir me fait horreur... Avec lui, je ne serais pas une esclave, mais un objet... une pauvre chose abandon- née après quelques mois... comme ces poupées qui traînaient dans ma nursery et dont je ne pouvais plus même supporter la vue... (Elle fait un geste de dé- couragement.) Est-ce que je ne suis pas en train de manquer ma destinée ? madame châtelain, entrant à gauche. Marthe! MARTHE Madame ? MADAME CHATELAIN Vous aimez ma sœur, n'est-ce pas?6o LA PROMESSE MARTHE Oui, je l'aime beaucoup. Pourquoi ? MADAME CHATELAIN Ij ne vous déplairait pas de vivre auprès d'elle? MARTHE Cela ne me déplairait pas... MADAME CHATELAIN Tant mieux... car je voulais vous dire... Vous sa- vez qu'Henri quitte Paris... Il va en garnison à Bel- fort... Et comme il est en quelque sorte mon fils unique, alors... marthe, saisie. Alors? MADAME CHATELAIN Alors, moi qui l'ai presque élevé, qui ne me suis jamais séparée de lui... je ne pourrais endurer son absence... et je l'accompagne... Vous habiterez auprès de ma soeur jusqu'à votre mariage. Marthe, avec anxiété. Le capitaine part donc définitivement? MADAME CHATELAIN Pour plusieurs années, en tout cas. MARTHE Pour plusieurs années!... Ah! {Altitude chagrine.)ACTE TROISIEME 61 MADAME CHATELAIN Il n'y aura rien de changé pour vous... Au con- traire, vous irez plus souvent dans le monde... Vous pourrez mieux faire votre choix... (Intenogalive.) s'il n'est déjà fait? MARTHE Je vais donc être toute seule ! MADAME CHATELAIN Mais, chère enfant... je vous explique qu'au con- traire... marthe, comme s'éveillant. Il aurait fallu me prévenir plus tôt. MADAME CHATELAIN Pourquoi? Henri n'a pas cru devoir le faire... Il a pensé, et il a pour cela des raisons que vous con- naissez trop, que vous seriez enchantée de son départ. MARTHE C'est juste ! madame châtelain, Ranimant. Oui, c'est juste!... Non seulement vous l'avez rejeté comme époux, mais encore vous vous êtes com- plu à fronder son autorité de tuteur, pourtant bien douce dans ces derniers mois ; vous vous êtes mon- 462 LA PROMESSli trée agressive et dure quand il n'intervenait que lorsque le devoir lui imposait d'intervenir... La der- nière idée qui pouvait le frapper, c'est que cela pût vous faire quoi que ce soit qu'il parte ou qu'il de- meure... Il lui aurait presque paru inconvenant de vous avertir, étant donné le motif de son exil... Son désespoir... marthe, vivement. Son désespoir MADAME CHATELAIN Eh oui! son désespoir... Henri n'a aimé et n'ai- mera qu'une fois. Vous avez brisé sa vie!... (Elle part vivement sans se retourner.) SCÈNE VI MARTHE, seule. De moins en moins simple, la destinée. (Elle se lève; elle aperçoit Béthune qui vient d'entrer à droite.)ACTE TROISIEME 63 SCENE VII MARTHE, BETHUNE. Ils demeurent un moment en silence, puis : MARTHE Madame Châtelain vient de me dire que vous par- tiez pour Belfort. BÉTHUNE Je monte en grade; Belfort est un poste envié. Je viens justement pour vous en parler, vous expliquer certaines questions d'intérêt... MARTHE Vous ne vous plaisez pas ici ? BÉTHUNE Je ne m'y plais plus. En ce qui vous concerne, la situation sera meilleure qu'avec madame Châtelain et moi. Notre société est un peu triste... MARTHE Vous vous trompez bien! béthune, doucement. Vous êtes trop bonne de parler a insi. Et cela m'en- courage à vous prier — je voulais le faire depuis longtemps, mais je n'ai pas pu — à vous prier de meli! 64 LA PROMESSE pardonner les malentendus qui se sont produits entre nous et que j'aurais pu éviter avec un peu plus de clairvoyance... à moins que, ce qui n'est pas impos- sible, il fût simplement dans la fatalité de ma nature de vous être antipathique... marthe. Geste de protestation. Mais, monsieur... BÉTHUNE Oh! je sais... vous ne voulez pas me blesser... Mais je me rends justice. Je sais que je n'ai pas su ménager, comme il le fallait, votre fierté et votre juste instinct d'indépendance... Je sais que j'ai été sans douceur... sans mesure... MARTHE Oui, c'est la vérité, vous étiez ainsi ; mais moi, j'ai exagéré... je n'ai pas su mettre les choses au point. Je devais réclamer la liberté de mon choix, sauve- garder ma dignité devant vous, et contre vous. Je pouvais le faire avec moins de violence. BÉTHUNE J'ignore ce que vous pouviez faire. Mais je n'au- rai pas la faiblesse de ne pas reconnaître votre droit à la révolte !... (Jeu de scène. Marthe fait un mouve- ment comme si elle allait parler; mais c'est Béthune qui réprend.) Du moins, vos paroles me permettentACTE TROISIEME 65 de croire que vous ne refuserez plus avoir dans votre tuteur le plus sûr de vos amis, prêt à tout pour votre bonheur... Et ce ne sont pas de vaines paroles... MA.RTHE Je le sais. BÉTHUNE Merci!... Voulez-vous bien que nous abordions maintenant les questions d'intérêt ?... Et d'abord, il m'importe de savoir, comme tuteur, quel a été le résultat de la démarche de M. de La Jonchère. Avez-vous pu vous entendre ? Marthe, évasive. Je ne lui ai pas donné de réponse. béthune. Mouvement de joie. Ah!... (Nouveau silence.) Marthe, se décidant. Êtes-vous heureux de partir pour Belfort? béthune, avec force. Non!... Je ne serai plus jamais heureux. (Sombre.) Plus jamais ! MARTHE Pourquoi donc? BÉTHUNE Est-ce bien vous qui me le demandez?... (Voix66 LA PROMESSE basse.) N'ai-je pas tout perdu... par ma très grande faute ? MARTHE Par la faute de vos convictions. béthune. Voix tremblante. Non, par leur interprétation étroite, pour avoir transporté dans le domaine intime des maximes qui ne sont applicables qu'aux masses sociales, aux des- tins éloignés... pour une rudesse philosophique in- compatible avec la tendresse du foyer... Il est juste que j'en porte la peine... Ah ! s'il pouvait me rester le moindre espoir, si votre cœur était libre, de quelle joie je me soumettrais à des années d'épreuves pour vous conquérir!... Mais pourquoi m'attarder à l'im- possible ? MARTHE Est-ce vraiment l'impossible ? Le faible peut par- donner au fort et la confiance remplacer des années d'épreuves. BÉTHUNE Je vous en prie, ne me donnez pas de fausses espé- rances... Ne me faites pas souffrir plus encore que je n'ai souffert... MARTHE Ne souffrez plus. i HHHACTE TROISIEME 67 béthune, tremblant. Vous ne me détestez pas ? marthe, avec douceur. Je vous détestais... béthune, lui prenant les mains. Le bonheur! FIN EMILE COLIN — IMPRIMERIE DE LAGf.BN VENTE CHEZ LE MÊME (Format grand in-18 Jésus) I BRIEUX Manchette, 3 actes . LMngrenage,3 actes. . ^"Artistes, 31 La Hase bleue, i acte . 1 5c JOSEPH CARAGUEL ^a fumée, puis u flamme, 4 actes . . , , H. CHIVOT & A. DURU *fc ^^ La r% if ltine> 3 a<* • 2 „ r°r>?,'%""" ^àm'pb'aù- ^ Lie du Paradis.** % " I uet< 3 actes. . . GEORGES ANOEY £° -»»pe, 5 actes ... 9 ?T,dJ^ére- 3 a°'es. • 2 £w inséparables, 3 act 9 M. BEAUBOURG Ba Vie muette, 4 actes. 2 HENRY BECQUE ^Corbeau*, i acte8 Les fonnétes femmes, * ** honnêtes Femmes Ha Tu 7 ï."'e' 3 act • 1 acte . . . mmes' , cn Jalle <>.u Paradis, 3 a 'ichel Pauoer \ ' '. ' i 50 7 V<«""i * Musette i s ■» acte . . Z,a «o»e««, i acte. . . ALEX. BISSON F" cnoup de tété, 3 âci. : „?"«, 3 actes . , fuparum, 3 actes .' .' j feuToupinel, 3 acte*s .' ^"Gymnastique en chambre, ! acte. . L héroïque Le Cardù- , non, 3 actes. . 9 mte, 3 actes. . g M*n-zeUePio upi ou',5a g tf 5<»W''«-, 1 acte . •"" Surprises du Di vorce, 3 actes. . KeOTl! Burozel! i acte. B. BJORNSON B" Faillite, intu, , 2 M. BONIFACE f « Crue 3 actes . . , ^TanttLéontin^i^ | 1 50 I I tae, 1 acte . Les Locataires'de 'M. fhndeau, 5 actes.. . ™fe,4 actes. Vf1 Demande des Do. mestiques, 1 acte . L\SiègedeGrenade,\ Le T,ru,Ç 'd'Arthur, 3 à F. de CUREL B Amour brode, 3 actes, Z" Fia^rante, 3 actes' ECHEGARRAY " C™'rf gaWwo> 3 a r EMU,E PABRE ,, EDM. GONDINET 1 mLe* Grands Enfants,3* 2 1 LEONHENNIQUE f"»', 3 actes . . „ ««fer Avwoïj, 3' ? f " ^Mwj" dùcd-Z: 2 3h'en, 3 actes. 2 JEAN JULLIEN *■* Sérénade, 3 actes . 2 LEMAIRE, BUBNETT' &SCHURMANN Le Petit Lord, 3 actes, g . EUG. LABICHE \Uajorèr'a^nont\ \ 50 ««'. 3 actes. . ANTONY MARS'' ie Dernier des Ma cans. i actei J ' '- 3 "s Maris sans "/>,: * * mes, 3 actes. Vn Monsieur en-vil 'le Le, Veux Maris,') là. | 5f" JULES MOINAUX ^ *««to, i acte . . i 50 M. ORDONNEAU blette 1 „„._ 2 * > f-4*fe«e, 1 acte f« Boulinard, 3 act'es' Cherchons Pa„„ % / Bes Deutr rh p, ' s aot- T "euxLku,„bres. 1 a LtieureduBero.r 3»' ^"«faw* Grégoire 3 , ^o« Oncte/ 3 acte, ^e». Parisiens en pr0' r v'»ee, 4 actes . je* Petites Godi», -J ' '•eJiéce-l '^v - i .* 2 , GAST. SALANDSI 7rt^ro«. 3'fer,,. ^mjiançan;3 actes " ALBIN VALABp' "., ?aira*srf—...... . "ERRE WO: JJquesBo„rtarrl £e^^«e«,g.0^.* |g 1 50 2 » 2 », 1 50 2 > 2 ,, 1 50 2 » MHÉ0flB9tth