_ il'/Vw"W V ifV VVV WW"V »/ \/w û'wWtfi/VtftfVwVwtfvVVWVvwvW ■ Wâ; v V: ; ; ^ LES GLOIRES LITTÉRAIRES EMILE VERHAEREN Les Flamandes AQUARELLES DE HENRI CASSIERS BRUXELLES AUX ÉDITIONS DU NORD 163, Boulevard Adolphe Max, 163 MCMXXVII LES GLOIRES LITTÉRAIRES Les Flamandes ET Les Bords de la Route SUIVIS DE POÈMES INÉDITS PAR EMILE VERHAEREN AQUARELLES DE HENRI CASSIERS BRUXELLES AUX ÉDITIONS DU NORD 163, Boulevard Adolphe Max, 163 MCMXXVII 'Préface t es flamandes de Oerhaeren sont l'objet des soins I attentifs d'un éditeur belge et reçoivent une parure de _ luxe. C'est là un honneur qu'elles ont attendu bien longtemps. Il est Vrai que Derhaeren lui-même, sans rejeter de sa magnifique gerbe poétique tant de Vers truculents, n'accordait plus, depuis longtemps, à son premier-né, qu'une tendresse où se mêlait beaucoup d'indulgence... Mais ne demandons pas aux écrivains de faire un choix dans leurs propres œuvres et de nous révéler les raisons de leurs préférences. A supposer qu'ils soient bons critiques, trop de circonstances de fait sont de nature à ébranler la sûreté de leurs jugements. Wous pouvons aujourd'hui, tout en faisant l'inventaire de la production poétique de Derhaeren, déterminer, sans trop de risques d'erreur, les pages qui ont le plus de chances de subsister. Parmi elles, l'on mettra certainement, à une place d'honneur, de nombreux poèmes des Flamandes. L'ouvrage parut en 1883. Il a conservé une étonnante frai- cheur. Et pourtant, le poète des Heures du Soir avait subi les influences littéraires du moment : l'école naturaliste était à la belle période du succès. En Belgique, Camille Lemonnier Venait de publier Le Mort et Un Mâle. l!hl}h!)':frr:r:lil:!:l>r.rir,l!l!!)!:l:l!l!l!n):r!):rj:l./!r.r.l:!:.h!!!. I.l.l. ' ' ! y Râlaient en proie au rut fiévreux Dans un emmêlement farouche, Criaient, juraient à pleine bouche, Et pour leurs mâles amoureux Se battaient, tombaient pèlesmêle, Parmi les tables, dans les coins, Ruaient des pieds, tapaient des poings, Roulaient dans une ivresse telle, Qu'on eût dit entendre le bruit D'une lutte à mort dans les bermes, Et que les chiens veilleurs des fermes Pleuraient d'effroi toute la nuit. I I 'l II f ! LA VACHE Dès cinq heures, sitôt que l'aurore fit tache Sur l'enténébrement nocturne, piqué d'or Un gars traça des croix sur le front de la vache, Et, le licol fixé, la mena vers la mort. Tout en haut des clochers sonnaient les réveillées; Les champs riaient, malgré les brouillards étendus Sur la campagne, ainsi que des laines mouillées, Et les froids, qui la nuit étaient redescendus. Des valets lourds et mous à leurs travaux revêches, Allaient, bâillant encor, muets, presque dolents, Sur leur énorme dos luisait l'acier des bêches, Plaquant le jour brumeux et gris, de miroirs blancs. Les poternes s'ouvraient partout, au long des routes, Avec des grincements de clefs et de verrous. Et les bêtes de clos à clos s'appelaient toutes, Et la vache passait très lente et beuglait doux. Enfin par un dernier détour de sente verte, On parvient au village assis sur un plateau : La boucherie est là, tout en haut, large ouverte, Dans un encadrement formé d'herbes et d'eau. La vache brusquement s'arrête au seuil du porche. Tout est rouge autour d'elle et fumant; sur le sol Lamentable et visqueux, un taureau qu'on écorche Et dont coule le sang par un trou fait au col. Des moutons appendus au mur, têtes fendues, Des porcs, gisant sur la paille, moignons en l'air, Un veau noir sur un tas d'entrailles répandues, Avec le coutelas profond fouillant la chair, Et plus loin, au delà de ces visions rouges, Ce sont des coins verdis de blé qu'elle entrevoit, Où des bœufs laboureurs, que bâtonnent des gouge Entaillent le terreau gluant d'un sillon droit. Et voici que se fait la lumière complète, Le creusement profond des lointains horizons, Le grand jour triomphal et doré, qui projette Ses flammes d'incendie au ras des floraisons, Qui baigne les champs gras d'une sueur fumante, Les pénètre, à plein feu, de ses rayons mordants, Les brûle de baisers d'amour, comme une amante, Et leur gonfle le sein de germes fécondants. La vache voit bleuir le grand ciel qui surplombe L'embrasement du sol où luit l'Escaut vermeil, Lorsqu'un coup de maillet l'étourdit; — elle tombe, Mais son dernier regard s'est rempli de soleil. LES PAYSANS Ces hommes de labour, que Greuze affadissait Dans les molles couleurs de paysanneries, Si proprets dans leur mise et si roses, que c'est Motif gai de les voir, parmi les sucreries D'un salon Louis=Quinze, animer des pastels, Les voici noirs, grossiers, bestiaux — ils sont tels. Entre eux, ils sont parqués par villages; en somme, Les gens des bourgs voisins sont déjà l'étranger, L'intrus qu'on doit haïr, l'ennemi fatal, l'homme Qu'il faut tromper, qu'il faut leurrer, qu'il faut gruger La Patrie? Allons donc! Qui d'entre eux croit en elle Elle leur prend des gars pour les armer soldats, Elle ne leur est point la terre maternelle, La terre fécondée au travail de leurs bras. l\!\j\i\£j\isnj\i\ n nt\j\_i\i\i\ i\ /\ n */»./>./>/»* f) n nn ? ' La patrie! on l'ignore au fond de leur campagne. Ce qu'ils voient vaguement dans un coin de cerveau, C'est le roi, l'homme en or, fait comme Charlemagne, Assis dans le velours frangé de son manteau ; C'est tout un apparat de glaives, de couronnes, Ëcussonnant les murs de palais lambrissés, Que gardent des soldats avec sabre à dragonnes. Ils ne savent que ça du pouvoir. — C'est assez. Au reste, leur esprit, balourd en toute chose, Marcherait en sabots à travers droit, devoir, Justice et liberté — l'instinct les ankylose; Un almanach crasseux, voilà tout leur savoir; Et s'ils ont entendu rugir, au loin, les villes, Les révolutions les ont tant effrayés, Que, dans la lutte humaine, ils restent les serviles, De peur, s'ils se cabraient, d'être un jour les broyés. A droite, au long de noirs chemins, creusés d'ornières, Avec les prés derrière et les fumiers devant, S'étendent, le toit bas, le mur nu, les chaumières, Sous des lames de pluie et des gifles de vent. Ce sont leurs fermes. Là, c'est leur clocher d'église, Taché de suintements vert*de«grisés au nord, Et plus loin, où le sol fumé se fertilise, Grâce à l'acharnement des coutres qui le mord, Sont leurs labours. La vie est prise tout entière Entre ces trois témoins de leur rusticité, Qui les ploient au servage et tiennent en lisière L'effort de leur labeur et de leur volonté. Ils s'acharnent, sur les sillons qu'ils ensemencent, Sous les grêlons de mars qui flagellent leur dos. L'été, quand les moissons de seigle se balancent Avec des éclats d'or tombant du ciel à flots, Les voici, dans le feu des jours longs et torrides, Peinant encor, la faux rasant les grands blés mûrs, La sueur découlant de leurs fronts tout en rides Et maculant leur peau des bras jusqu'aux fémurs; Midi darde ses rais de braise sur leurs têtes : Si crue est la chaleur, qu'en des champs de méteil Se cassent les épis trop secs et que les bêtes, Le cou criblé de taons meuglent vers le soleil. Vienne novembre avec ses lentes agonies, Et ses râles roulés à travers les bois sourds, Ses sanglots hululants, ses plaintes infinies, Ses glas de mort — et les voici peinant toujours, Préparant à nouveau les récoltes futures, Sous un ciel débordant de nuages grossis, Sous la bise, cinglant à ras les emblavures, Et trouant les forêts d'énormes abatis, De sorte que leurs corps tombent vite en ruine, Que jeunes, s'ils sont beaux, plantureux et massifs, L'hiver qui les froidit, l'été qui les calcine, Font leurs membres affreux et leurs torses poussifs ; Que vieux, portant le poids renversant des années, Le dos cassé, les bras perclus, les yeux pourris, Avec l'horreur sur leurs faces contaminées, Ils roulent sous le vent qui s'acharne aux débris Et qu'au temps où la mort ferme sur eux ses portes, Leur cercueil, descendant au fond des terrains mous, Ne semble contenir que choses deux fois mortes. III Les soirs de vent quand décembre bat les cieux fous, Les soirs de gel aux champs ou de neige essaimée, Les vieux fermiers sont là, méditant, calculant, Près des lampes, d'où monte un filet de fumée. La cuisine présente un aspect désolant : On soupe dans un coin, toute une ribambelle D'enfants sales gloutonne aux restes d'un repas; Des chats osseux et roux lèchent des fonds d'écuelles ; Des coqs tintent du bec contre l'étain des plats; L'humidité s'attache aux murs lépreux ; dans l'âtre, Quatre pauvres tisons rassemblent leur maigreur, Et répandent à peine une clarté rougeâtre. Et les vieux ont au front des pensers pleins d'aigreur. « Bien qu'en toute saison tous travaillassent ferme, Que chacun de son mieux donnât tout son appoint, Voilà cent ans, de père en fils, que va la ferme, Et que bon an, mal an, on reste au même point ; Toujours même train=train voisinant la misère. » Et c'est ce qui les ronge et les mord lentement. Aussi la haine, ils l'ont en eux comme un ulcère, La haine patiente et sournoise qui ment. Leur bonhomie et leurs rires couvrent leur rage ; La méchanceté luit dans leurs regards glacés ; Ils puent les fiels et les rancœurs que, d'âge en âge, Les souffrances en leurs âmes ont amassés; Ils sont âpres au gain minime; ils sont sordides; Ne pouvant conquérir leur part, grâce au travail, La lésine rend leurs cœurs durs, leurs cœurs fétides ; Et leur esprit est noir, mesquin, pris au détail, Stupide et terrassé devant les grandes choses : C'est à croire qu'ils n'ont jamais vers le soleil Levé leurs yeux, ni vu les couchants grandioses S'étaler dans le soir, ainsi qu'un lac vermeil. IV Aux kermesses pourtant les paysans font fête, Même les plus crasseux, les plus ladres. Leurs gars Y vont chercher femelle et s'y chauffer la tête. Un fort repas, graissé de sauces et de lards, Sale à point les gosiers et les excite à boire. On roule aux cabarets, goussets ronds, coeurs en feu, On y bataille, on y casse gueule et mâchoire Aux gens du bourg voisin, qui voudraient, nom de Dieu Lécher trôp goulûment les filles du village Et s'adjuger un plat de chair, qui n'est pas leur. Tout l'argent mis à part y passe — en gaspillage, En danse, en brocs offerts de sableur à sableur, En bouteilles, gisant à terre en tas difformes. Les plus fiers de leur force ont des gestes de roi A rafler d'un seul trait des pots de bières énormes, Et leurs masques, marbrés de feu, dardant l'effroi, Avec leurs yeux sanglants et leur bouche gluante, Allument des soleils dans le grouillement noir. L'orgie avance et flambe. Une urine puante Mousse en écume blanche aux fentes du trottoir. Des soulards assommés tombent comme des bêtes; D'autres vagues, serrant leur pas, pour s'affermir; D'autres gueulent tout seuls quelques refrains de fêtes Coupés de hoquets gras et d'arrêts pour vomir. Des bandes de braillards font des rondes au centre Du bourg; et les gars aux gouges faisant appel, Les serrent à plein bras, les cognent ventre à ventre, Leur maculent le cou d'un lourd baiser charnel Tandis qu'elles se défendent, jambes ruantes. Dans les bouges — où la fumée en brouillards gris Rampe et roule au plafond, où les sueurs gluantes Des corps chauffés et les senteurs des corps flétris Étament de vapeur les carreaux et les pintes — A voir des bataillons de couples se ruer Toujours en plus grand nombre autour des tables peintes, Il semble que les murs sous le heurt vont craquer. La soûlerie est là plus furieuse encore, Qui trépigne et vacarme et tempête à travers Des cris de flûte aiguë et de piston sonore. Rustres en sarraux bleus, vieilles en bonnets clairs, Gamins hâves, fumant des pipes ramassées, Tout ça saute, cognant des bras, grognant du groin, Tapant des pieds. Parfois les soudaines poussées De nouveaux arrivants écrasent dans un coin Le quadrille fougueux qui semble une bataille, Et c'est alors à qui gueulera le plus haut, A qui repoussera le flot vers la muraille, Dût=il trouer son homme à grands coups de couteau. Mais l'orchestre aussitôt redouble ses crieries (Et, couvrant de son bruit les querelles des gars, Les confond tous en des fureurs de sauteries. On se calme, on rigole, on trinque entre pochards, Les femmes à leur tour se chauffent et se soûlent, L'acide de l'instant charnel brûlant leur sang, Et dans ces flots de corps sautants, de dos qui houlent, L'instinct devient soudain à tel point rugissant Qu'à voir garces et gars se débattre et se tordre, Avec des heurts de corps, des cris, des coups de poings, Des bonds à s'écraser, des rages à se mordre, A les voir se rouler ivres*morts dans les coins, Noués entre eux, ainsi que des houblons sauvages, Suant, l'écume blanche aux lèvres, les deux mains, Les dix doigts, saccageant et vidant les corsages, On dirait — tant ces gars fougueux donnent des reins, Tant sautent de fureur les croupes de leurs gouges — Des ardeurs s'allumant au feu noir des viols. Avant que le soleil éclate en brasiers rouges, Et que les brouillards blancs remontent à pleins vols, Dans les bouges, on met un terme aux soûleries. La kermesse s'épuise en des accablements, La foule s'en retourne, et vers les métairies On la voit disparaître avec des hurlements. Les vieux fermiers aussi, les bras tombants, les trognes Dégoûtantes de bière et de gros vin sablés, Gagnent, avec le pas zigzagant des ivrognes, Leur ferme assise au loin dans une mer de blés. Mais au creux des fossés que les mousses veloutent, Parmi les coins herbus d'un enclos maraîcher, Au détour des sentiers gazonnés, ils écoutent Rugir encor l'amour en des festins de chair. Les buissons semblent être habités par des fauves. Des accouplements noirs bondissent pardessus Les lins montants, l'avoine en fleur, les trèfles mauves, Des cris de passion montent ; on n'entend plus Que des spasmes râlants auxquels les chiens répondent. Les vieux songent aux ans de jeunesse et d'ardeurs. Alors brûlés aussi par le rut et l'alcool, Le sang battant leur cœur et leurs tempes blêmies, Le gosier desséché de spasmes étouffants Et cherchant à tâtons leurs femmes endormies, Eux, les fermiers, les vieux, font encor des enfants. Chez eux, mêmes appels d'amour qui se confondent : Dans la grange où se sont glissés les maraudeurs, Où la vachère couche au milieu des fourrages, Où chacun cherche un coin pour son amour fortuit, Mêmes enlacements, mêmes cris, mêmes rages, Mêmes accouplements rugissant dans la nuit; Et dès qu'il est levé, le soleil, dès qu'il crève De ses boulets de feu le mur des horizons, Voici qu'un étalon, réveillé dans son rêve, Hennit et que les porcs ébranlent leurs cloisons Comme allumés par la débauche environnante ; Crête pourpre, des coqs se haussent sur le foin Et sonnent le matin de leur voix claironnante ; Des poulains attachés se cabrent dans un coin ; Des chiens maigres, les yeux flambants, guettent leurs lices; Et les naseaux soufflants, les pieds fouillant le sol, Des taureaux monstrueux ascendent les génisses. MARINES I Au temps de froid humide et de vent nasillard, Les flots clairs se chargeaient d'étoupe et de brouillard, Et traînaient à travers les champs de verdeur sale Leur cours se terminant en pieuvre colossale. Les roseaux desséchés pendaient le long du bord, Le ciel, muré de nuit, partout, du Sud au Nord, Retentissait au loin d'un fracas d'avalanches ; Les neiges vacillaient dans l'air, flammèches blanches. Et sitôt qu'il gelait, des glaçons monstrueux Descendaient en troupeau large et tumultueux, S'écrasant, se heurtant comme un choc de montagnes. Et lorsque les terreaux et les bois se taisaient, Eux s'attaquaient l'un l'autre, et craquaient et grinçaient, Et d'un bruit de tonnerre ébranlaient les campagnes. Au sortir des brouillards, des vents et des hivers, Le site avait les tons mouillés des aquarelles; L'Escaut traînait son cours entre les iris verts Et les saules courbant leurs branches en ombrelles ; Il coulait clair et blanc, dans les limpidités, Et les oiseaux chantaient, parmi les oseraies ; Il coulait clair, dans les splendeurs et les gaietés Et mirait les hameaux, tête en bas, dans les baies. Là, sous la chaleur neuve et la clarté d'éveil, Des chalands goudronnés luisaient dans le soleil, Les steamers ameutaient les flots lents de leurs roues, Des mâts se redressaient : misaines et beauprés, Et les voiliers géants levaient sur l'eau leurs proues, Où des nymphes tordaient leurs corps aux seins dorés. •■^■■'amwy.^ -■.'m: .......... nrMMiu.u.cu'f i MARINE Sur le fleuve rempli de mâts et de voilures, Un ciel incandescent tombait de tout son poids Et gerçait et grillait le sol de ses brûlures, Comme s'il l'eût couvé sous des ailes de poix. Près des digues, bouillaient le limon et la vase; Les pointes des roseaux s'aiguisaient de clartés, Et les vaisseaux craquaient du sommet à la base, Sous l'accablant fardeau de ces torridités. Plus loin, près d'une passe où le fleuve s'ensable, Émergeaient, s'étiraient de jaunes bancs de sable, Que des oiseaux, l'aile au soleil, tachaient de blanc. Le site entier chauffait dans un air de fournaise Et semblait menacé d'un embrasement lent, Et les flots criblés d'or charriaient de la braise. Mais tous cris vont mourir et mourir toutes flammes. L'appel des passeurs d'eau va se taire à son tour... Voici qu'on n'entend plus qu'un bruit lointain de rames. En automne, saison des belles pourritures, Quand au soir descendant, le couchant est en feu, On voit au bas du ciel d'immenses balayures De jaune, de carmin, de vert pomme et de bleu. Les flots traînent ce grand horizon dans leurs moires, Se vêtent de ses tons électriques et faux, Et sur fond de soleil, les barques toutes noires Vont comme des cercueils d'ébène au fil des eaux. Les voix du jour mourant, funèbres et lointaines, Roulent encor dans l'air avec le vent des plaines Et les sons d'angélus tintant de tour en tour; AMOURS ROUGES Et qu'importent les mots méchants et les parlotes S'ils ont la volupté de se sentir à deux? Que lui font l'œil mauvais et les cris des bigotes, Quand au soir descendant, au long du chemin creux, Il la sent s'allumer de charnelles tendresses, Qu'il l'étreint contre lui, regarde longuement Son cou large, où sont faits des coins pour les caresses, Ses yeux d'où sort l'ardeur de son embrasement, Qu'elle vibre et s'affole et s'offre tout entière, Que la rage d'aimer l'enflamme, qu'elle veut, Tant le sang de son cœur lui brûle chaque artère, Tant hurlent ses désirs et ses instincts en feu, Ne faire de son corps qu'une table dressée, Où son gars mangerait et boirait jusqu'au jour, La bouche gloutonnante et la manche troussée, Tout un festin de chair, de jeunesse et d'amour! Et pendant qu'il la chauffe, ils vont par les saulaies, Par les sentiers moussus, faits pour s'en aller deux, Ils vont toujours, tirant les feuilles hors des haies, Les mordant avec fièvre et les jetant loin d'eux. Il confie en riant ce qui troublait sa tête, Avant qu'il eût l'espoir certain de l'épouser, Il se rappelle encor — tout comme elle — la fête Où de force il meurtrit ses lèvres d'un baiser. Mais c'est elle, à présent, qui s'en poisse la bouche, Qui s'en soûle et s'en gave aux godailles d'amour, Au grand air, sous l'éclat du soleil qui se couche Et dans le rouge adieu de la nature au jour. Et d'un commun accord, là*bas, dans la verdure Fraîche et vibrante encore et gazouilleuse aux vents, Ils ont cherché, sans rien se dire, une encoignure Que la hache tailla dans les buissons mouvants, Un coin calme, d'où l'on entend chanter l'épeautre, Et les avoines d'or et les lins étoilés. Se regardant toujours et s'attirant l'un l'autre, Ils s'abattent soudain, haletants et troublés. ■tatm***** :r./jJ'JsM.i.u.!.<.) y Et c'est alors un cri des sens, une fringale, Un assouvissement de désirs et d'instincts, Un combat chair à chair de gouge avec son mâle, Des étreintes de corps à se briser les reins, Des vautrements si fous que l'herbe en est broyée Comme après un assaut de vents et de grêlons, Les rameaux cassés nets et la terre rayée D'un grattage lascif de pieds et de talons. Elle sert de sa chair autant qu'il en demande, Sans crier, se débattre ou simuler des peurs, Ne craignant même plus que le village entende L'explosion d'amour qui saute de leurs cœurs. Et lui, — roi de ce corps pâmé, lui maître d'elle, Le choisi, parmi tous, pour mener le déduit, La voyant dans ses bras frissonner comme une aile, Sent son orgueil de gars puissant monter en lui. Ses assauts enfiévrés, comme un choc de rafales, Traversent la fureur de leurs accouplements, Ses spasmes ont des cris plus profonds que des râles, Son rut bondit sur elle, avec des jappements, Il voudrait l'accabler dans une ardeur plénière, Et lui broyer les sens, sous des poids de torpeur, Et ce débordement de leur lutte dernière Devient rage à tel point que leur amour fait peur. Après l'ébruitement du scandale au village, Après de longs refus brutaux, un temps viendra, Où les parents vaincus voudront le mariage; Et l'amant d'aujourd'hui, son gars aimé, sera Le même qu'on verra venir, le jour des noces, Lui donner l'anneau d'or et conduire à l'autel, Orné de cierges neufs et de roses précoces, Ses vingt ans agités du frisson maternel. LES FUNÉRAILLES Voici huit jours qu'est trépassé le vieux fermier Qui, rond par rond, thésaurisa, dans un sommier, Tant d'or et tant d'argent que son énorme bière Semblait lourde d'écus quand on le mit en terre. La cloche a vacarmé longtemps en son honneur Et les notes battu leur danse en ton mineur, Mais aujourd'hui ses quatre fils offrent à boire, Tant que l'on veut, pour qu'on célèbre sa mémoire. Dans leur maison, ils ont rangé trente tonneaux, Pour des gosiers luisants et ronds, tels des anneaux, Et prétendant que tous aient une part des fêtes, Ils ont donné du sucre et de la bière aux bêtes. Les servantes et les valets rompant le deuil Et les quatre porteurs du colossal cercueil Et le fossoyeur borgne et les enfants de messe Sont conviés, avant tout autre, à la kermesse. Puis les parents les plus proches et les cousins, Et ceux qui sont de vieux amis et les voisins; Et tels qui sont épais et savoureux de derme Sont invités surtout parce qu'ils sablent ferme. Et depuis l'aube on trinque, à grands brocs étamés, Dans la salle la plus large, volets fermés, Portes closes, tandis que juin gerce de rides, Là*bas, les champs ardents et les polders torrides. La fête étant vouée uniquement au mort, On boit sans bruit, on boit sans cris, si l'on boit fort : Et l'ivresse plombant les fronts de somnolence. Bientôt l'on boit et l'on se soûle, en plein silence. Ils sont là, tous, face à face, vagues et gourds, Les mains moites, les doigts gauches, les regards lourds, Les pieds allongés droits sous la table de chêne, Et seul, le hoquet gras débonde leur bedaine. Un cousin pleure, ainsi qu'un toit où pluie et vent Se font la guerre, et tout son corps est comme un van Sonnant et sanglotant que la douleur secoue, Jusqu'à faire égoutter les larmes de sa joue. Seuls d'entre tous, les fils ne semblent point navrés; Ils ont les goussets lourds et les orgueils lustrés, Ils sont comme des coqs debout sur l'héritage, Et c'est à coups de becs, qu'ils feront le partage. Ils se sentent déjà maîtres du bourg et ceux Dont on craindra le geste et le signe des yeux : Aussi, pour affirmer leur droit indubitable, L'un d'eux met un tas d'or, comme un poing, sur la table. L'étonnement est si rouge et fervent, que tous, Bien que mornes, hagards, béants et comme fous, Devant ce bloc soudain sorti de son armoire, Le verre en main, la bouche ouverte, oublient de boire. Les gros porteurs assis côte à côte, le dos Bien que fruste et géant ployé sous des fardeaux D'ivresse et de sommeil, rêvent que leurs épaules Portent le bourg entier au fond de nécropoles. Et qu'il faut le rappel d'un porteur de cercueil, Pour ranimer en eux le jovial orgueil De décanter, au fond des bedaines, la lave D'ivresse et de fureur qui bout encor en cave. AUX FLAMANDES D'AUTREFOIS Au grand soleil d'été qui fait les orges mûres, Et qui bronze vos chairs pesantes de santé, Flamandes, montrezsnous votre lourde beauté Débordante de force et chargeant vos ceintures. Sur des tas de foin sec et fauché, couchez*vous! Vos torses sont puissants, vos seins rouges de sève, Vos cheveux sont lissés comme un sable de grève, Et nos bras amoureux enlacent vos genoux. Laissez=vous adorer, au grand air, dans les plaines, Lorsque les vents chauffés tombent du ciel en feu, Qu'immobiles d'orgueil, au bord de l'étang bleu, Dans les midis vibrants et roux, trônent les chênes. -fX-tt. AOL ÎVP.ft.'ÎV*. !» Ait*. ft AA A /> n « A A A nnitr Au temps où les taureaux fougueux sentent venir L'accès du rut, la fièvre affolante, hagarde, Lorsque, dans les vergers des fermes, on regarde Les jeunes étalons, le cou tendu, hennir; Lorsque l'immense amour dans les cœurs se décharge, Lorsqu'ils s'enflent, au souffle intense de la chair, Comme s'ouvre la voile aux rages de la mer, Aux assauts redoublés d'un vent qui vient du large; Telles, avec vos corps d'un éclat éternel, Vos beaux yeux semés d'or, votre gorge fleurie, Nous vous magnifions, femmes de la patrie, Qui concentrez en vous notre Idéal charnel. POÈMES INÉDITS notice OUS avons la bonne fortune de présenter à nos lecteurs, une série de poèmes inédits de Uerhaeren. Ils sont de différentes époques et ne présentent pas une unité d'inspiration. Certains d'entre eux ne constituent que de courtes notations. Ils ne manqueront cependant pas d'intéresser les admirateurs du poète des Flamandes. Uerhaeren, on le sait, parcourut à plusieurs reprises l'Europe. En 1886, déjà, au moment de la crise qui donna naissance à la trilogie célèbre des Soirs, des Débâcles, et des Flambeaux Noirs, Uerhaeren fit de longs séjours à Paris, à Londres, visita les villes importantes d'Allemagne. Puis, il se rendit en Espagne, avec son ami, le peintre Dario de Regoyos, il fut aussi en Russie, en Hollande. C'est au cours de ces Voyages, qu'il écrivit la plupart des poèmes que nous avons réunis ici. Il est possible que Uerhaeren, avant de les publier, en eût remanié ou élagué certains Vers. 'Ce/s quels, ces inédits révèlent beaucoup de diversité et de fantaisie dans les sujets traités et c'est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir les présenter à nos lecteurs. L'Editeur. EN ESPAGNE FIN D'ACTE Depuis l'aube, les mains lentes et les doigts grêles Du lamentable infant s'ennuient et jouent avec Son éclatante et rouge et tragique couronne Où l'Espagne a scellé mille ans de gloire et d'or. Pareille à quelque fruste et fabuleux trésor, Venue on ne sait d'où, jadis, elle fleuronne; Et l'infant morne agace avec un ongle sec Les joyaux suspendus à des chaînettes frêles. Thyrse roide de volonté protestataire, Sa grande sœur est là, qui contemple, debout, Ce futur roi sans force et sans joie et sans flamme, Où s'affirme le droit à dix siècles d'aïeux. Mais lui, plus las, avec des doigts plus odieux Persévère en son jeu puéril mais infâme, Et ne pouvant lever la couronne qui bout D'orgueil la laisse choir, indolemment, à terre. Alors, la sœur que rend féroce un tel affront, Abandonne soudain sa raideur de statue Et prend le diadème et le lui rive au front Et de ses fortes mains l'en écrase et le tue. Nageoire brusque en coup d'éclair, L'émoi soudain d'un poisson clair Claque aux parois d'un bol de verre Sur l'étagère. L'heure y répond. Son timbre est tel Qu'on croit ouïr casser du gel Et s'écraser contre les glaces Des pleurs de glace. Un vieux meuble, dont les pieds droits Sur le parquet carrent leur poids, Reflète en ce miroir de cire Leur style empire. DANS UNE CHAMBRE A TOLÈDE Mes doigts d'un mouvement mental Palpent des cônes de cristal Pour que leurs angles nets pénètrent Un peu mon être. Dehors, à travers l'air en feu Le ciel frappe le Tage bleu Et dirige ses rayons raides Contre Tolède. Dites, mon sang, comme il me plaît De demeurer et calme et frais Dans la fraîcheur comme exsudée De mon idée! Simple rai d'or trouant un fruit, Dans le soleil un couteau luit; Des prismes réguliers illustrent Les fleurs d'un lustre. Au pays d'or des icônes, Le gel est à tel point étincelant Que la robe des chevaux blancs Dans le plein jour apparaît jaune. La neige souple et docile Suit les lignes des dômes et des toits Et courbe un liséré étroit Sur le fronton de Saint*Basile. La Place rouge est muette; Seul la traverse un galopant traîneau Qui jette à ses prochains échos Le menu bruit d'une sonnette. O dimanche froid et lucide! Et midi sonne et met son scel Sur ce décor de silence et de gel Auquel Le vieux Kremlin préside. un dimanche en russie Aux cieux, La lune se profile Enveloppant la ville D'un filet de canaux ardemment lumineux. La nuit est faite de clarté, Au long des quais près des ponts sombres, Chaque bateau avec son ombre Couchée à ses côtés, S'allonge et dort; A son avant brûle un feu d'or. a rotterdam Et les marins qui s'attardèrent Autour d'un pot de bière, Rentrent chez eux à la godille ; Leur barque vient et va de bateau en bateau Et l'on n'entend que leur rame qui se tortille Dans l'eau. a ramsgate La force froide de la lune Soulève, en se jouant, la mer. Une nuit d'août s'isole en ce désert De flots, de grèves et de dunes. Parmi l'immensité des houles Nulle voile ne passe au loin : Ces jeux de feux et d'eau n'ont pour témoins Que les ténèbres qu'ils refoulent, Et peut-être ces blocs d'épaves Où sont taillés dans le bois dur Les grands yeux d'or et les deux seins d'azur D'une déesse Scandinave. «hb&p* Là=haut, Au ciel courbé comme un arceau J'aime à vous voir former et se déformer, Nuages, Vos clairs et mobiles visages. Je suis, du seuil de ma maison, Votre placide et blanc voyage De l'horizon vers l'horizon. Oh ! comme vous changez, nuages, D'après le vent qui passe Et la clarté dont vous baigne l'espace. làshaut J'aime à vous suivre ainsi, Et j'attache mille présages A la ruine ou la splendeur de vos images, Si bien que vous m'êtes joie ou souci, Et que je vous redoute ou bien vous rends hommage, Puissants et mobiles nuages! le poêle de louvain Les gens vivent autour de sa clarté, Comme autour des ruches vermeilles Vont, viennent et travaillent l'été Et se rassemblent les abeilles. La massive bouilloire et le brassin géant, Dès que l'aube de ses loques de brume S'exhume, Pour les bêtes et pour les gens, Sifflent sur son brasier et vers le plafond fument. La flotille des fers à repasser se tasse, Profondément, dans un coin de son four, Et les écuelles et les tasses Trempent, dans l'eau des chaudrons lourds. On l'acheta jadis aux jours de liesse Quand les foules aimaient encor Les foires d'or Et les rouges kermesses; Et depuis lors Ainsi apparaît=il Comme un témoin d'un autre âge Qui préside, de novembre en avril, Aux soins quotidiens qu'on apporte au ménage. Des méandres de sable fin Enguirlandent ses pieds d'airain; Dans sa chaleur tranquille et rayonnante On torche et l'on dévêt la marmaille, le soir; Les travailleurs lassés et les vieilles servantes Près des maîtres descendent s'asseoir. C'est l'heure où les femmes s'enragent A dévider les écheveaux des commérages, Tandis que doucement, silencieux, Sur leur chaise vieille et déteinte Avec, en main, leur pipe éteinte Se rendorment, les vieux. Il décore la cheminée Où quelque vierge enrubannée Bombe sous un globe, bordé d'une chenille, Son jupon cramoisi et sa robe jonquille. premier gel Un gel âpre et compact dalle le canal droit : Aux deux vannes du bief, un givre blanc s'agrège, Les champs à l'infini sont des carrés de neige, Janvier sculpte la Flandre en un grand bloc de froid. Morne existence au cœur des bourgs et des villages ! Les torpides maisons se tassent dans leurs murs Et regardent passer par leurs carreaux obscurs, Sur les routes du Nord les pesants attelages. Aucun oiseau ne troue, à coups de vol, les airs; Le vent râpe le sol de l'immensité vide; La bêche et les râteaux sur les hangars s'oxydent; L'heure qui tinte un glas semble casser du fer. Oh! les arbres de pierre en cortège vers l'ombre, Là=bas, très loin jusques au bout des pays d'eau! Et le craquement sourd des lourds glaçons d'Escaut Qui se mordent, par en dessous, dans les flots sombres: Les nuages sont las, ainsi que des remords. Une ligne de moulins noirs qui tous s'acculent, Les quatre ailes debout, au mur du crépuscule Apparaissent rangés comme les croix des morts. fin d'hiver C'est fin d'hiver : Un oiseau chante et l'air est clair; Et sur les champs tranquilisés va choir Le soir — Chape grise et plombée — Les fenêtres des bourgs au loin Avec un rai de feu s'éveillent dans leur coin Tandis que tinte et dans l'écho ricoche Un son de cloche. Demain toute la neige aura fini Son règne acide et pur; la douce nuit Comme une preste lavandière, Sera venue au flanc Des collines et des bruyères, Sécher et ramasser le linge blanc Pour le porter sur ses épaules De loin en loin jusques au pôle. LE CARREFOUR DES TRÉPASSÉS Tous ceux qui passent sont passés Au carrefour des Trépassés. Il y avait Claire et Camille Qui s'en venaient des Amerois, Il y avait Guy de Rocroy Et Thérèse sa bellesfille, Il y avait Paul de Waulsort, Et Jean le Borgne, et Jean le Tors. Ils étaient cent, ils étaient mille, Et tous étaient de la famille Des morts. L'autre après l'un, ils sont passés Au carrefour des Trépassés. Lurons charnus ou maigres drilles Ou beaux seigneurs en bel arroi, Car Guy d'Avesne avait le roi Pour défenseur de sa bastille, Et la fortune ornait le sort Du châtelain Paul de Waulsort. Ils étaient cent, ils étaient mille, Et tous étaient de la famille Des morts. En linceuls blancs ils sont passés Au carrefour des Trépassés. Les uns cachaient sous leur guenille Leur cœur rongé livide et froid, Avec leurs pauvres pieds sans doigts. D'autres traînaient sur des béquilles, D'autres cherchaient aide et support Chez leurs voisins boitant moins fort. Ils étaient cent, ils étaient mille, Et tous étaient de la famille Des morts. Comme une trombe ils sont passés Au carrefour des Trépassés. De leur épaule à leur cheville Leurs os craquaient comme des noix. Ils faisaient le signe de la croix Sur leur torse courbé en grille, Ils avaient peur et leurs remords Semblaient les torturer encor. Ils étaient cent, ils étaient mille, Et tous étaient de la famille Des morts. I' t: f! /*!}!<» H t: n D i: ~ i' ' en décembre Sous le pâle et rugueux brouillard d'un ciel d'hiver, Le froid gerce le sol des plaines'assoupies, La neige adhère encor aux flancs d'un talus vert Et par le vide entier grincent des vols de pies. Avec leurs fins rameaux en serres de harpies, De noirs taillis méchants s'acharnent à griffer, Des feuillages pourris s'effilent en charpies; On s'imagine entendre au loin casser du fer. Oh! l'infini du morne hiver! il incarcère Notre âme en un étau géant qui se resserre, Tandis qu'avec un dur et sec et faux accord Une cloche de bourg voisin dit sa complainte, Martèle obstinément l'âpre silence — et tinte Que, dans le soir, là=bas, on met en terre un mort. les brumes Heures mornes d'hiver, mélancoliquement Et douloureusement, roulez sur mes pensées Et sur mon cœur vos longs linceuls d'enterrement, Faits de rameaux défunts et de feuilles froissées Et livides, tandis qu'au loin, vers l'horizon, Sous l'ouatement mouillé de la plaine dormante, Parmi les échos sourds et souffreteux, le son D'un angélus lassé se perd et se lamente Encore et va mourir dans le vide du soir, Si seul, si pauvre et si craintif, qu'une corneille, Blottie au creux humide et noir d'un vieux voussoir, A l'entendre gémir et sangloter, s'éveille Et doucement répond et se plaint à son tour A travers le silence entier que l'ombre apporte, Et tout à coup se tait, croyant que dans la tour L'agonie est finie et que la cloche est morte. sur la côte Un vent rude soufflait par les azurs cendrés, Quand du côté de l'aube, ouverte à l'avalanche, L'horizon s'ébranla dans une charge blanche Et dans un galop fou de nuages cabrés. Le jour entier, jour clair, jour sans pluie et sans brume, Les crins flottants, les flancs dorés, la croupe en feu, Ils ruèrent leur course à travers l'éther bleu, Dans un envolement d'argent pâle et d'écume. Et leur élan grandit encor, lorsque le soir, Coupant l'espace entier de son grand geste noir, Les poussa vers la mer, où sifflaient les rafales, Et que l'ample soleil de juin, tombé de haut, Se débattit, sanglant, sous leur farouche assaut, Comme un rouge étalon dans un rut de cavales. vaguement Voir une fleur là*bas, fragile et nonchalante, En cadence dormir, au bout d'un rameau clair, En cadence, le soir, fragile et nonchalante, Dormir; — et tout à coup voir luire au clair de l'air, Luire, comme une pierre, un insecte qui danse, Ou bien s'immobilise au bout d'un rayon d'or; — Et voir au bord des quais un navire en partance Et qui s'attarde et qui hésite en son essor, Tandis que ses marins de Flandre ou d'Aquitaine Tous ensemble précipitent et les départs Et les adieux; et puis, à ces choses prochaines, A ces choses du soir confier les hasards : Craindre si la fleur tombe ou si l'insecte passe, Ou si le clair navire érige et tend ses mâts Vers la tempête et vers l'écume et vers l'espace Et s'il part dans la houle énorme, au son des glas ... Et ce premier rayon toujours plus clair fulgure, Grandit, se double, et tout à coup se transfigure En croix de sang et d'or barrant le ciel romain. Les torses violents et farouches des nues Qui surplombaient le monde et les temples latins, Avaient eu beau suivant les lois et les destins Ruer contre les Dieux leurs chairs noires et nues. L'Olympien de marbre était resté, là^haut, Le bras armé d'éclairs et debout sur la foudre Broyant les doigts du temps qui n'avaient pu découdre Pas même après mille ans les bords de son manteau. Quand le simple rayon d'une étoile nouvelle Frôlant son front, l'atteint, le trouble et lui révèle Qu'un prodige inconnu s'impose au songe humain, noël les cierges Longs doigts en feu, cierges! — Ils s'allument les soirs, Par rangs, mais un à un, sur des chandeliers d'or; Ils s'allument, minces flammes, dans un décor Et de cartels et de blasons et de draps noirs. Ils s'allument dans le silence et les ténèbres, Avec le grésil bref et méchant de leur cire; Ils se moquent — et l'on croirait entendre rire Les prières autour des estrades funèbres. Les morts! Ils sont couchés très longs dans leurs remords Et leur linceul très pâle et les deux pieds dressés En pointe et les regards en l'air et trépassés Et repartis chercher ailleurs les autres morts. Chercher? Mais les cierges les conduisent, les cierges, Pour les charmer et leur illuminer la route Et leur souffler la peur et leur souffler le doute Aux carrefours multipliés des chemins vierges. Ils ne trouveront point les morts aimés jadis, Ni les anciens baisers, ni les doux bras tendus, Ni les amours lointains, ni les destins perdus; Car les cierges ne mènent pas en paradis. Ils s'allument dans le silence et les ténèbres, Avec le grésil bref et méchant de leur cire Ils se moquent — et l'on entend gratter leur rire Autour des estrades et des cartels funèbres. Ongles pâles au bout de hauts chandeliers d'or! Kato hommage I Pour y tasser le poids de tes rouges trésors, Tes doubles seins frugaux et savoureux qu'arrose Ton sang, tes bras bombés que lustre ta peau rose, Ton ventre où les poils roux crispent un pampre d'or, Je tresserai mes vers comme, au fond des villages, Sous le hangar humide et bas, les vieux vanniers Mêlent les osiers bruns et blancs de leurs paniers, En dessins nets, pris à l'émail des carrelages. Ils contiendront les beautés claires de ton corps; Et je les porterai comme des fleurs de fête, En tas massifs et blonds, au soleil, sur ma tête, Orgueilleusement droit, comme il convient aux forts. Ta grande chair me fait songer aux satyresses Dont Paul Rubens, avec le feu de ses pinceaux, Incendiait le dos musclé, la hanche épaisse, Les seins pointés vers les yeux verts des lionceaux. Ton sang était le leur, alors qu'au crépuscule, Sous les astres illuminant un ciel d'airain, Leur grande voix hélait quelques farouche Hercule Que la nuit égarait dans le brouillard marin. III Ce que je choisirais pour te symboliser, Ce ne seraient ni lys, ni tournesols, ni roses Ouvrant aux vents frôleurs leur corolle en baiser, Ni les grands nénuphars dont les pulpes moroses Et les larges yeux froids, chargés d'éternité, Fixent sur l'étang clair leurs rêves immobiles, Ni le peuple des fleurs, violent et fouetté De colère et de vent sur les grèves hostiles, Ils sont des assoiffés de ciel, vivant hallier, Où buissonnent des feux en de noirs paysages, Et si hauts montent=ils, séduits par des présages, Qu'ils parviennent enfin au suprême palier. Non. — Mais tout frémissants d'aurore et de soleil, Comme des jets de sang laissant fuser leurs gerbes En pleine floraison, en plein faste vermeil, Ce serait un massif de dahlias superbes, Les forts montent la vie ainsi qu'un escalier, Sans voir d'abord que les femmes sur leurs passages Tendent vers eux leurs seins, leurs fronts et leurs visages Et leurs bras élargis en branches d'espalier. Qui dans l'automne en feu des jours voluptueux, Dans la maturité chaude de la matière, Comme de grands tétons rouges et monstrueux, Se raidiraient sous les mains d'or de la lumière. Et regardant alors les femmes qui les guettent, Ils tombent à genoux devant elles, et mettent Entre leurs mains en or les grands mondes volés. Ils y cueillent des fruits d'astres et de comètes; Puis descendent, lassés de gloire et de conquêtes, L'esprit déçu, les yeux ailleurs, les cœurs brûlés; Je voudrais que ton nom dans le ciel éclatât, Comme un feu voyageur et roulât, d'astre en astre, Avec des bruits d'orage et des heurts de désastre. cantique Je voudrais posséder pour dire tes splendeurs, Le plainschant triomphal des vagues sur les sables, Ou les poumons géants des vents intarrissables; Je voudrais dominer les lourds échos grondeurs, Qui jettent dans la nuit des paroles étranges, Pour les faire crier et clamer tes louanges; Je voudrais que la mer toute entière chantât, Et comme un poids le monde élevât sa marée, Pour te dire superbe et te dresser sacrée; Les pieds onglés de bronze et les yeux large*ouverts, Comme de grands lézards, buvant l'or des lumières, Se traînant vers ton corps, mes désirs longs et verts. En plein midi torride, aux heures coutumières, Je t'ai couchée, au bord d'un champs, dans le soleil; Là=bas, frissonne un coin embrasé du méteil, L'air tient sur nos amours de la chaleur pendue, L'Escaut s'enfonce au loin comme un chemin d'argent, Et le ciel lamé d'or allonge l'étendue, Et tu t'étends lascive et géante, insurgeant, Comme de grands lézards buvant l'or des lumières Mes désirs revenus vers leurs ardeurs premières. au carrefour de la mort Hélàs! ton corps! ô ma longue et pâle malade. Ton pauvre corps d'orgueil parmi les coussins blancs! Les maux serrent en toi leur nerveuse torsade Et vers l'éternité tournent tes regards lents. Tes yeux, réservoirs d'or profond, tes yeux bizarres Et doux, sous ton front las, ont terni leurs ardeurs. Comme meurent les soirs d'été dans l'eau des mares Mélancoliquement, dans tes grands yeux, tu meurs. Tes bras qui s'étalaient au mur de ta jeunesse, Tel qu'un cep glorieux vêtu de vins et d'ors, Au long de tes flancs creux lignent leur sécheresse Pareils aux bras osseux et sarmenteux des morts. Tes seins, bouquets de sève étalés sur ton torse, Iles de rouge amour sur un grand lac vermeil, Délustrés de leur joie et vidés de leur force, Sèchent, eux que mon rut levait à son soleil. Et maintenant, qu'aux jours de juin, pour te distraire, On t'amène, là*bas, dans les jardins t'asseoir. Dès qu'on t'étend sur les gazons, je crois te voir Tout lentement déjà t'enfoncer sous la terre. A voir si pâle et maigre et proche de la mort, Ta chair, ta grande chair, jadis évocatoire, Et que les roux midis d'été parsemaient d'or Et grandissaient, mes yeux se refusent à croire Que c'est à ce corps là, léché, flatté, mordu, Chaque soir, par les dents et l'ardeur d'une bête, Que c'est à ces deux seins pâles que j'ai pendu Mes désirs, mes orgueils et mes chants de poète. Et néanmoins je l'aime encor, quoique flétri, Ce corps, horizon triste ouvert à ma pensée, Arbre aux rameaux cassés, soleil endolori, Ce corps de pulpe morte et de chair effacée. Et je le couche en rêve au fond du bâteau noir, Qui conduisait jadis, aux temps chanteurs des fées, Vers leurs tombeaux ornés d'ombre, comme un beau soir — Cheveux au fil des eaux et robes dégrafées — Les défuntes d'amour dont les purs yeux lointains Brillent parmi les bois, les taillis et les landes, Et dont les longs manteaux d'argents et de satins Comme des clairs de lune ardent dans les légendes. Et comme elles, je veux te conduire à travers Les fleuves et les lacs et les ruisseaux de Flandre, Là^bas, vers les terreaux et les pacages verts Et les couchants sablés de leur soleil en cendre, Là«bas, vers les halliers obscurs et pavoisés Avec des grappes d'ombre et des fleurs de lumière, Où les rameaux noueux se tordent enlacés Dans un spasme muet de sève et de matière. Et telle, une suprême et magnifique fois Mon rêve aura pleuré ta beauté rouge et forte; Pauvre corpsl pauvre chair! pauvre et douce voix Morte! La mort peindra ta chair de ce vieux ton verdâtre Délicatement jaune et si fin, qu'on dirait Qu'à travers le cadavre un printemps transparaît Et qu'une lueur jeune en avive l'albâtre. Et recueilli du cœur, des yeux et du cerveau, Sentant pâlir en moi, comme une ample lumière, Le souvenir trop net de ta beauté plénière. J'irai m'agenouiller devant ce corps nouveau. Je lui dirai les grands versets mélancoliques Que l'Eglise, ta mère, épand aux trépassés. Et je lui parlerai de nos amours passés Avec les mots fanés des hymnes catholiques. Je fixerai dans mon esprit ses traits humains, Ses yeux scellés au jour, au soleil, à la gloire, Et rien n'effacera jamais de ma mémoire La croix que sur ton cœur dessineront tes mains. Et pour réaliser ton suprême souhait. Le soir, dans la piété des chrétiennes ténèbres, Je sortirai ton sein de ses voiles funèbres Et je le baiserai tel que la mort l'a fait. IV Depuis que te voilà dissoute au cercueil sombre Et que les vers se sont nourris de ta beauté Et que la pourriture habite avec ton ombre Et creuse en toi les nids de sa fécondité, Qu'il fasse aurore ou soir, mon âme est douloureuse Et stérile aux splendeurs des sites et des airs, Le jour, ta forme est là, passante et vaporeuse, La nuit, ton long fantôme emplit mes bras déserts. x_f}.f} * A ft A A A f\ l\ * f\ fx r* l\ i\ I\ I\ I\ I\ !• l. Il m'apparaît dans un orgueil pâle et candide, Debout, mais sèchement retouché par la mort, Mêlant je ne sais quoi de triste et de splendide Au déploiement funèbre et las de ses crins d'or. Il me regarde — et ses regards semblent des plaintes D'un exilé lointain, doux et silencieux, Et telle est la douleur de ses clartés éteintes, Que doucement mes mains lui ferment les deux yeux. Fresques les vieux rois Hommes stérilisés par des siècles d'ennui Et le regret mortel des voluptés taries. Vos mains? du fer; vos cœurs? du bronze et de la nuit. Et vos ongles et vos deux yeux? des pierreries. Immobiles soleils, étincelants et noirs, Brûlant sur des trônes illuminés de gloire Et d'or; masques rêveurs et grands comme les soirs, Et calcinés comme les rocs d'un promontoire. Vieillards redoutables et vieux comme les mers, Qui regardez en vous pour voir toute la terre, Qui n'interrogez point l'azur des cieux amers, Et demeurez penchés sur votre seul mystère. fti V M •v 1 ; Les fers cruels flamboient et vous dardez comme eux, Sous vos mitres d'orgueil et vos étoles bleues, Vos sceptres sont pareils à des doigts venimeux Et la terreur de votre front souffle à cent lieues. Et vous restez muets, toujours. Un léopard Lèche vos pieds bagués, et des femmes qu'on pare, Pour vous distraire à les tuer d'un seul regard, Tordent en vain vers vous leur corps brusque et barbare. Et votre cerveau sèche et demeure engourdi, Lassé de visions de meurtre et de magie, Et plus aucun vouloir en vous ne resplendit : Et vous mourez tout seuls, un soir, dans une orgie. sous les prétoriens Les soirs! voici les soirs de pourpre, évocateurs De carnages et de victoires, Lorsque chantent dans les mémoires Les clairons fabuleux et les buccins menteurs. Et regardez ! Dans la mobile obscurité D'une salle immense, personne. Un bourdon sonne, A travers l'ombre rouge, avec mordacité ! L'orgueil des étendards coiffés d'alérions Vaguement remue et flamboie ; Un bassrelief se creuse et se déploie Où le granit se crispe en mufles de lions. Un bruit de pas guerriers multiplié s'entend Derrière un grand rideau livide ; Un trône est là, sanglant et vide ... Et le silence brusque et volontaire attend. Mon rêve, enfermons*nous dans ces choses lointaines, Comme en des tragiques tombeaux, Pleins de métaux et de flambeaux Et de faisceaux dressés en des salles hautaines. if légendes Les horizons cuivrés des suprêmes automnes Meurent là=bas, au loin, dans un carnage d'or. Où sontsils les héros des ballades teutonnes Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort? Ils passaient par les monts, les rivières, les havres, Les burgs — et brusquement ils s'écroulaient, vermeils, Saignant leurs jours, saignant leurs cœurs, puis leurs cadavres Passaient dans la légende, ainsi que des soleils. Ils jugeaient bien et peu la vie : une aventure; Avec un mors d'orgueil, ils lui bridaient les dents ; Ils la mataient sous eux comme une âpre monture Et la tenaient broyée en leurs genoux ardents. 123 i • T/j : ii I OtrJ ! 1 Sv I |t M M ri s * i . s 1 • >1 i il a if i ] i'iH i 11 Ils chevauchaient fougueux et roux — combien d'années? Crevant leur bête et s'imposant au Sort; Mon cœur, oh, les héros des ballades fanées, Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort! les preux En un très vieux manoir, avec des javelots Et des pennons sur ses murailles, Une rage de bataille Rouge éclatait en tableaux. On y voyait grandir les féroces ramures De la mêlée, où des paladins merveilleux, Avec la rage au fond des yeux. Tombaient, allongés morts en leurs châsses d'armures. Hélas! toUs ces cerveaux qui rêvèrent de gloire, Fendus! et tous ces poings, coupés! traceurs d'éclairs, Avec le tournoiement de leurs glaives dans l'air Et l'aigle de leur casque éployé dans l'Histoire. Hélas! et la débâcle à travers leurs maisons, Le deuil de la débâcle en des nuits de tueries, Et les funèbres sonneries Cassant la destinée en or de leurs blasons. Pourtant, qu'ils soient tombés, en corps==à*corps ardents, Membrés de force et les dix doigts onglés de haine Et la bouche folle et hautaine Et le sang frais marbrant leurs dents. Et contre la forêt fourmillante de lances Qui s'avançait, qu'ils aient, le désespoir au clair, Lourdes masses d'ombre et de fer, Terribles bras d'acier, cogné leurs violences, Qu'importe alors ! — ils ont senti la joie unique D'exprimer l'être humain en sa totalité De hargne et de brutalité, Jusqu'au tressaut dernier de la mort tétanique! Des torchères dont la clarté ne bouge Brûlent depuis des jours, toujours, Autour de ce caveau, voûté D'ébène immense et pailleté d'or rouge. Les supplices d'acier et les meurtres d'airain S'y souviennent: Néron, Procuste et Louis onze, — Regards de proie, ongles de bronze, Clous et tenailles dans la main — Un luxe vieux de métaux noirs habille Le solennel granit d'un fût assyrien, Érigé là, pour ne soutenir rien Que les siècles et leur douleur indélébile. soir de caveau Soudain, sur ce pilier — ainsi qu'un ostensoir Lamentable, là=bas, qui s'éclaire lui-même — Masque de cire en un nuage blême, Surgit mon front de souffrance et de soir : Mon front, hélas ! celui si pâle de ma mort En ces caveaux immobiles d'or rouge, Où plus jamais — sinon mes yeux — flamme ne bouge Pour regarder ce faste en fer de ma mort. La mort grande, du fond des sonnantes armoires De l'orgue, érige, en chant de gloire, immensément, Vers les voûtes, le nom du vieux Ruwaert flamand Dont chaque anniversaire exalte les mémoires. Parmi les foulons morts, parmi les incendies, Les carnages, les révoltes, les désespoirs, Le peuple a ramassé sa légende, les soirs, A la veillée, et la célèbre en recordies. Les rois, il les prostrait devant son attitude, Impérieux, ayant derrière lui, là*bas, Et le peuple des cœurs et le peuple des bras Tendus! Il était fort comme une multitude. artevelde Il se sentait miraculeux. Toute sa tête S'imposait à l'obstacle. Il le cassa sous lui, Jusqu'au jour où la mort enlinceula de nuit Son front silencieux de force et de tempête. Un soir, il disparut tué comme un roi rouge. En pleine ville ardente et révoltée, un soir. Et son âme voyait son âme et ses pensées. Survivre et s'allumer par au delà son temps, Torche première! et vers les avenirs flottants Tordre tragiquement ses flammes convulsées. la nuit Depuis que dans la plaine immense il s'est fait soir, Avec de lourds marteaux et des blocs taciturnes, L'ombre bâtit ses murs et ses donjons nocturnes Comme un Escurial revêtu d'argent noir. Le ciel prodigieux domine, embrasé d'astres, — Voûte d'ébène et d'or où fourmillent des yeux — Et s'érigent, d'un jet, vers ce plafond de feux, Les hêtres et les pins, pareils à des pilastres. Comme de blancs linceuls éclairés de flambeaux Les lacs brillent, frappés de lumières stellaires, Et les hameaux et leurs enclos quadrangulaires Apparaissent ainsi que d'énormes tombeaux î'i! Ml Et, telle, avec ses coins et ses salles funèbres, Tout entière bâtie en mystère, en terreur, La nuit paraît le noir palais d'un empereur Accoudé quelque part, au loin, dans les ténèbres. aprement Dans leur cadre d'ébène et d'or Les personnages d'Anton Mor Persécutent de leur silence. Masques terreux, visages durs, Serrés dans leurs secrets obscurs, Et leur austérité méchante. m Haute allure, maintien cruel, Orgueil rigide et textuel : Barons, docteurs et capitaines. Leurs doigts sont maigres et fluets Ils fignoleraient des jouets Et détraqueraient des empires. H i?: fi Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer, Les deux seins froids, pareils à deux lunes funèbres, Semblent deux baisers d'or gelés dans les ténèbres, Et le caprice renaissant De voir du sang rosir le sang Séché trop vite au coin des ongles! Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer, Une idole est debout — le mystère la masque : Un diamant se mêle à la nuit de son casque; Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer, Elle impose, là*bas, son dardement de pierre, Sans que depuis mille ans ait bougé sa paupière; Ils cachent sous leurs fronts chétifs Les fiers vouloirs rébarbatifs Et les vices des tyrannies Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer, Les hauts bras étendus dont les mains sont coupées, Tendaient pour les vaincus l'orgueil droit des épées; Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer, Le ventre enguirlandé d'une toison virile, Reluit lividement, magnifique et stérile, Sur le bloc de granit ancien, mordu de fer... (1888) W « n a n /> A A .n A >> /» n /\ ni\)\r y les horloges La nuit, dans le silence en noir de nos demeures, Béquilles et bâtons, qui se cognent, là=bas; Montant et dévalant les escaliers des heures, Les horloges, avec leurs pas; Émaux naïfs derrière un verre, emblèmes Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux; Lunes des corridors vides et blêmes Les horloges, avec leurs yeux; Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes, Boutique en bois de mots sournois Et le babil des secondes minimes, Les horloges, avec leurs voix ; />/>/?/? />/,"/>/>/>/.* />/i/> AxA1 /?iD /> /i/i /î /?/i A'/î /:/>y^/>/:/!/>/:• />/>/i/i/t/J /. / .'IWg Gaines de chêne et bornes d'ombre, Cercueils scellés dans le mur froid, Vieux os du temps que grignote le nombre. Les horloges et leur effroi; Les horloges Volontaires et vigilantes, Pareilles aux vieilles servantes Tapant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas Les horloges que j'interroge Serrent ma peur en leur compas. Parmi l'étang d'or sombre Et les nénuphars blancs, Un vol passant de hérons lents Laisse tomber des ombres. Elles s'ouvrent et se ferment sur l'eau Toutes grandes, comme des mantes; Et le passage des oiseaux, là=haut, S'indéfinise, ailes ramantes. Un pêcheur grave et théorique Tend vers elles son filet clair, Ne voyant pas qu'elles battent dans l'air Les larges ailes chimériques, parabole .. .........«'» Ni que ce qu'il guette, le jour, la nuit, Pour le serrer en des mailles d'ennui, En bas, dans les vases, au fond d'un trou, Passe dans la lumière, insaisissable et fou. (1894) il à I i $ fl » |! Hf " 11! I|> t; t\ ! r i | ! w I i .1 i ; vif la barque Il gèle — et des arbres pâles de givre clair Montent là=bas, en les lointains baignés de lune; Au ciel purifié, aucun nuage; aucune Tache sur l'infini silencieux de l'air. Le fleuve où la lueur des astres se réfracte Semble dallé d'acier et maçonné d'argent; Seule, une barque est là, qui veille et qui attend, Les deux avirons pris dans la glace compacte. Quel ange ou quel héros les empoignant soudain Dispersera ce vaste hiver à coup de rames Et conduira la barque en un pays de flammes Vers les océans d'or des paradis lointains? Ou bien doit«elle attendre à tout jamais son maître, Prisonnière du froid et du grand minuit blanc, Tandis que des oiseaux, libres et flagellant Les vents, volent, là=haut, vers les printemps à naître? un soir Sous les vitres du hall nitreux que le froid fore Et vrille et dont la brume enveloppe le fer, Un soir de gel rugueux et lourd, s'ouvre l'hiver, Dans le foyer, plus scintillant que le phosphore. Et le charbon rongé revêt sa mousse d'or Et le posthume été dans l'or se réitère; Il empourpre un flacon, il enguirlande un verre Et multiplie en feuilles d'or sa force encor. Malgré ce feu soudain qui le détruit, sa joie Est de faire des fleurs parmi les lustres, vivre! Et d'allumer sa mort comme une fête. Au loin, Làsbas, le vent du Nord souffle et rage en son coin Et répand sur les toits et la neige et le givre. O cette mort que l'on torture et qui flamboie! (1888) — que saisie? Oh! ce grand gel — reflété brusquement En des marais d'argent dormant ; Et ce givre qui grince et pince Les lancettes d'un taillis mince. Et ce minuit ainsi qu'un grand bloc blanc, Sur les marais d'argent dormant, Et ce minuit qui pince et grince Et, comme une grande main, rince Les cristaux froids du firmament. C'est quelque part en des pays du Nord C'est quelque part, en Norwège, là*bas Où les blancs ongles de la neige Griffent des rocs, de haut en bas. Dites, l'entendez^vous la grand'messe du froid? L'entendez«vous sonner, sonner là^bas, En ces lointains de neige et de frimas Où les arbres vont en cortège... C'est quelque part en un très vieux pays du Nord — que saisie? Mais c'est aussi dans un vieux cœur du Nord — en moi. i\l\j\ n/\i\ » n a n i\ i\ t\ i\ i\ t\ r. r> r, h n n n i\ i\ r i. Le vieux crapaud de la nuit glauque Sous la lune de fiel et d'or, C'est lui, là=bas dans les roseaux, La morne bouche à fleur des eaux, Qui rauque. Là*bas, dans les roseaux, Ces yeux immensément ouverts Sur les minuits de l'univers, C'est lui, dans les roseaux, Le vieux crapaud de mes sanglots. Quand les astres à l'horizon, Semblent des taches de poison — Écoute, il se râpe du fer par l'étendue -C'est lui, cette même voix entendue Toujours, là=bas, dans les roseaux, comme tous les soirs Monotones, à fleur des eaux, Monotones, comme des gonds, Monotones, s'en vont les sons Monotones, par les automnes. Les nuits ne sont pas assez longues Pour que tarissent, avant le jour profond, Les mornes sons Et leurs diphtongues Lentes et longues. Ni les hivers assez mordants Avec leur triple rang de dents : Gel, givre et neige, Pour que ne montent plus en long cortège Les lamentables lamentos Du vieux crapaud de mes sanglots. l'heure mauvaise Depuis ces temps troublés d'adieux et de retours Mes jours toujours plus lourds s'en vont roulant leur cours. J'avais foi dans ma tête; elle était ma hantise, Et mon entêtement — haine et fureur — vermeil, Où s'allumait l'intérieur soleil, Fonçait jadis contre le roc de la bêtise. De vivre ainsi hautainement, j'avais Muette joie à me sentir et seul et triste, Et je ne croyais plus qu'à ma force d'artiste Et qu'à l'œuvre que je rêvais : Celle qui se levait tranquille et douce et bonne Et s'en allait par de simples chemins, Vers les foyers humains, Où l'on pardonne. Ah! comme il fut dolent ce soir d'opacité, Quand mon âme minée infiniment de doutes, S'écroula toute Et lézarda, craquement noir, ma volonté. A tout jamais mortes, mes fermetés brandies! Mes poings? flasques; mes yeux? fanés; mes orgueils? serfs; Mon sang coulait, péniblement, jusqu'à mes nerfs Et comme des suçoirs gluaient mes maladies. Et maintenant que je m'en vais vers le hasard... Dites, le vœu qu'en un lointain de sépulture, Comme un marbre brûlé de gloire et de torture, Rouge éternellement se crispera mon art! ik En ces plaines de laines, Dites ; me bâtirai=je un asile aux douleurs? les rideaux Sur mes rideaux couleur des cieux, Les chimères des broderies Tordent un firmament silencieux; Les chimères des railleries. Elles flagellent de leurs queues La paix plane des laines bleues Et le sommeil des laines tombantes et lentes Sur les dalles, Mais aussi sur mon cœur. Sur mes lentes tapisseries Les chimères de haine et de méchanceté Font des buissons de pierreries. Elles dardent l'hostilité des yeux, Qui m'ont troué de leurs regards Aux jours d'erreurs et de hasards; Elles ont des ongles aigus et blancs Et leurs caprices sont volants Comme des feux à travers cieux; Bêtes de fils et de paillettes, Faites de stras et de miettes Et de morceaux de nacre et d'or, Dites, comme j'ai peur de leur essor Les douces, les bonnes laines comme des mains, Réchaufferaient les cœurs Que désolent les pleurs humains; Brusques, n'étaient les railleries Des chimères des broderies Et leurs langues déchirant l'air Et leurs ongles et l'or au clair De leurs ailes diamantaires. Mon âme est une proie Avec du sang et des grands trous Pour ces bêtes d'or et de soie; Et crainte et peur de leurs yeux, Couleur d'éclair parmi la mer! A quoi servent les tissus et les laines Pour les douleurs et pour les peines? Les douces laines pour les peines? Je sais de vieux et longs rideaux, Avec des fleurs et des oiseaux, Avec des fleurs et des jardins Et des oiseaux incarnadins; De beau rideaux tissés de soie. Qui caressent les fronts profonds Avec de la douceur et de la joie. Les miens, ils sont armés de leurs chimères, Ils sont, mes grands rideaux, couleur des cieux, Un firmament silencieux De signes fous et de haines ramaires. A quoi servent leurs traînes et leurs laines? Mon âme, elle est béante et pantelante, Elle n'est que loques et déchirures Où ces bêtes, à terribles armures, Ailes de feu, rostres ouverts, Mordent leur faim par au travers. A quoi servent les tissus et les laines Pour y rouler encor mes peines? Mon âme est désormais : celle qui s'aime, A cause de sa souffrance même, Qui s'aime en ces lambeaux Qu'on arrache d'elle en drapeaux De douleur rouge. Les chimères de soie et d'or qui bouge, Qu'elles griffent les laines De mes rideaux à lentes traînes, Il est trop tard pour que ces laines Me soient douces comme une haleine. Quelques osiers en des mares de limon gris Et des cormorans d'encre en du brouillard, Et puis leur cri qui s'entête, leur morne cri Monotone, vers l'infini. novembre Feuilles couleur de lie et de douleur, Par mes plaines et mes plaines comme il en tombe; Feuilles couleur de mes douleurs et de mes pleurs, Comme il en tombe sur mon cœur! Avec des loques de nuages, Sur son pauvre œil d'aveugle S'est enfoncé, dans l'ouragan qui meugle, Le vieux soleil aveugle. — Il fait novembre en mon âme — HHHHHHHHHHMMHMH ■ K t\/y./) >> A A A »/?./* A A AA A/>/>/>/> ; NOVEMBRE — Il fait novembre en mon âme — O ces feuilles qui tombent Et tombent ; Et cette pluie à l'infini Et puis ce cri, ce cri Toujours le même, dans mon âme! lasbas Calme voluptueux, que le frêle encensoir Des fleurs répand en ce soir solitaire! Claire heure alanguissante et fondante des soirs, Le soir sur des lits d'or s'endort avec la terre, Sous des rideaux de pourpre, et longuement se tait! Calme voluptueux, avec de grands nuages, Et des îles de nacre et des plages d'argent Et des perles et des coraux et le bougeant Éclat des étoiles, à travers les feuillages; Et dans le ciel, là5haut, de grands fleuves de lait! Et s'en aller vers les lointains et se défaire De soi et des autres, un jour, En un voyage ardent et doux comme l'amour Et légendaire ainsi qu'un départ de galère! silencieusement En un plein jour, lamé de lampes, Qui brûlent en l'honneur De tout l'inexprimé du cœur, Le silence, par un chemin de rampes, Descend vers ma rancœur. Il circule très lentement Par ma chambre d'esseulement. Je vis malade et triste auprès de lui Et lui me frôle avec sa robe; Parfois, ses mains couleur de l'aube Ferment les yeux de mon ennui. Et nous nous écoutons ne rien nous dire. Et je rêve de vie absurde et l'heure expire. Dans la croisée ouverte à l'air, les araignées Tissent leur tamis gris, depuis combien d'années? Oh! les pauvres et lents et pénibles désirs Qui traversent encore et peuplent nos loisirs; Hélas! aimer l'écho, parce qu'il n'est personne; Et lentement traîner son pas qui sonne, Par les chemins en volutes de l'inutile. Vouloir être soudain le rai mince et ductile Qui se repose encor dans les villes du soir, Lorsque déjà le gaz mord le trottoir. S'asseoir sur les genoux de marbre D'une vieille statue, au pied d'un arbre, Et ne faire qu'un avec ce bloc de granit. Ne point saisir au vol ce qui se définit; Passer et ne pas trop s'arrêter au passage; Ne jamais repasser surtout; ne savoir l'âge Ni du moment, ni de l'année — et puis finir Par ne jamais vouloir de rien se souvenir! un soir Avec les doigts de ma torture Gratteurs de mauvaise écriture, Maniaque inspecteur de maux, J'écris encor des mots, des mots... Quant à mon âme, elle est partie. Tenacement et pour extraire L'arrièresfaix de ma colère, Aigu d'orgueil, crispé d'effort, Je râcle en vain mon cerveau mort. Quant à mon âme, elle est partie. 3 , ii S Fil Je voudrais me cracher moi-même, La lèvre en sang, la face blême. L'ivrogne de son propre moi S'éructerait en un renvoi. Quant à mon âme, elle est partie. Le glas du soir suprême — écoute! S'entend, là*bas, sur la grand'route; Clos tes volets; c'est bien fini Le mors*aux«dents vers l'infini. quelques-uns Plus loin que les soleils, une ville d'ébène Se dresse et mire énormément en leur cerveau, Son deuil et sa grandeur de morte ou de caveau. La terre? elle a passé. Le ciel? se voit à peine. Et de l'ombre toujours, immensément toujours. Un horizon brumeux y traîne des suaires Sur des monts soulevés en tertres mortuaires Qui n'ont plus souvenir de ce qui fut les jours. Et des passants muets marchent dans les soirs blêmes, Hommes pleins de douleurs, vieux de tristesse, seuls. Ils ont plié leurs jours ainsi que des linceuls; Ils sont les revenus de tout, même d'eux-mêmes; Les vices leur font peur, mais aussi les vertus; Leurs cœurs désormais clos et leurs ardeurs matées, Ils travaillent à vivre indulgemment athées. Leurs yeux qui nous parlaient encore, ils les ont tus; Et maintenant plus rien en eux jamais ne bouge; Ni les désirs, ni les regrets, ni les effrois; Ils n'ont plus même, hélas! le grand rêve des Croix Ni le dernier espoir tendu vers la mort rouge. Table des Matières Pages PRÉFACE.............vu LES FLAMANDES Les Vieux Maîtres..........3 La Vachère.............7 Art Flamand............9 Les Plaines.............13 Kato...............20 La Ferme..............24 L'Enclos..............25 Dimanche matin .... .......26 Les Granges............27 Les Vergers.............28 L'abreuvoir.............29 Le Lait..............30 Les Gueux.............31 Les Porcs.............32 Cuisson du Pain...........33 La Grande Chambre.........34 POÈMES INÉDITS NOTICE..............71 En Espagne : Fin d'Acte...........73 Dans une Chambre à Tolède.....75 Un Dimanche en Russie........77 A Rotterdam............78 A Ramsgate............80 LàsHaut..............81 Le Poêle de Louvain.........83 Premier Gel............85 Fin d'Hiver.............87 Le Carrefour des Trépassés .......88 La Cuisine...... Les Greniers..... Les Espaliers..... En Hiver...... Truandailles..... La Vache....... Les Paysans...... Marines....... Amours Rouges .... Les Funérailles .... Aux Flamandes d'Autrefois LES BORDS DE LA ROUTE DÉCORS TRISTES Pages En Décembre..........95 Les Brumes...............% Sur la Côte...........97 Vaguement...........98 Noël.............100 Les Cierges...........101 KATO Hommage...........105 Cantique............109 Au Carrefour de la Mort......111 FRESQUES Les Vieux Rois.........119 Sous les Prétoriens........121 Légendes............123 Les Preux...........125 Soir de Caveau.........127 Artevelde...........129 La Nuit............131 g 1 , Mi 1 ! 1 ,! y n ',8 n ( • ! : i jl i ! •f II i s Ce livre, le second de la collection "Les Gloires Littéraires " a été établi par Paul Angenot. Il a été tiré a 1076 exemplaires destinés a la vente, soit : un exemplaire unique, sur japon impérial (portant le n° 1), contenant tous les dessins originaux en noir ainsi que les épreuves coloriées a la main par Henri Cassiers, un état en couleurs, une suite en noir sur chine et une suite en couleurs sur hollande; 25 exemplaires sur japon impérial numérotés de 2 a 26) conte* nant un état des gravures en couleurs, une suite en noir sur chine et une suite en couleurs sur hollande; 50 exemplair res sur hollande (numérotés de 27 a 76) contenant un état des gravures en couleurs et une suite en noir sur chine; 1000 exemplaires sur vélin pur esparto (numérotés de 77 a 1076) contenant un état en couleurs. il a été tiré en outre 40 exem* plaires hors commerce, sur vé* lin pur esparto, numérotés de i a xl. le présent ouvrage a été achevé d'imprimer en caractères Elzevier par Charles De Bruycker, a Forest^Bruxelles, le 31 juillet mcmxxvii. Exemplaire N° ^ v VÇ.K /uvM.npiiivM^WyW A A l\ l\l\ l\ IM\i a ',*. s a !\ 'a 'a * 'a * • a. rt n /» a « n < » « 4 h (v «,, les gloires litteraires " ii - .Sei'i» Emile :rhaeren iï^JII LES MVIANDES JAPON Les Gloires ittéraires •1cmxxvii i m ù \i\i u %i \i«/ \t \i\i m m u \i n\i uu m wu u vy y u y y y u w y w w ir wu«i ^ wà'w v w yw «/ w y vuw v wV v w i/vu u mV w\ïVw w'«WVVVVVV*vAiVN '."..'".**..... .......................................................................................................................................................................1 tri