COLLECTION DES POÈTES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. GEORGES BARRAL. IWAN GILKIN LIE CERISIER FLEURI a'aprh G.-M. Stevens PARIS librairie fisch bacher 33, rue de Seine, 33. 1899 Tous droits réservés. ';. A V- * - APPEL AU PUBLIC FRANÇAIS La Collection des Poètes français de l'étranger a été fondée dans le but de rassembler les écrivains qui, dans tous les pays de l'univers, se servent de préférence de notre langue pour donner aux productions de leur imagination un vêtement de beauté et de pérennité. Par cela même, ces contrées sont des territoires de belles-lettres dépendant de la France, et auxquels Paris, capitale cérébrale et point sonore du monde, doit accorder son protectorat intellectuel. En faisant élection de la Belgique, nous avons eu le bonheur de débuter avec éclat, par des œuvres de choix, dont la critique a été unanime à proclamer la puissance et l'originalité. C'est ainsi que dans la Nuit d'Iwan Gilkin, le premier volume en date, on a été frappé par l'opulence de la versification et la vigueur de l'inspiration. Ensuite, la Cithare de Valére Gille a émerveillé les connaisseurs par la pureté classique de la forme et la beauté sereine de ses odes anacréontiques. Enfin, sont venus les Héros et Pierrots d'Albert Giraud, aux allures grandioses et pittoresques, aux vers acérés et impeccables; et récemment a paru une seconde œuvre, somptueuse et chatoyante, de Valére Gille, le Collier d'opales. Aujourd'hui, nous persévérons dans notre entreprise, en publiant de l'auteur passionné de la Nuit, un recueil nouveau. Sous le souffle léger et prmtanier qui l'anime, on y trouvera un contraste inattendu et charmant avec 1 aprelé et la profondeur de son premier ouvrage. Le Cerisier fleuri, intermède et récréation à des conceptions plus sévères, plaira surtout par la fraîcheur des idées, la grâce et la souplesse de la facture. Ainsi qu'on le voit, tous ces écrivains français de l'étranger défendent brillamment chez eux notre belle langue ; ils ont droit, en conséquence, à tout notre appui. Nous devons les traiter comme les enfants éloignés, mais légitimes, de la pensée de notre France bien-aimée. Né à Bruxelles en i858, Iwan Gilkin est devenu, d'ailleurs, l'un des maîtres de la poésie française, non seulement en Belgique, mais aussi chez nous. Et à ces titres divers il mérite, sans conteste, sa renommée grandissante. N'oublions jamais que notre langue est battue en brèche par les efforts énergiques et permanents de l'Allemagne et de l'Angleterre. C'est donc faire acte des plus utiles et des plus pressants que de soutenir les vaillants de lettres qui, dans leur pays, la cultivent avec tant de maîtrise. L'Académie française,.en couronnant la Cithare de Valère Gille, a formulé avec raison par la voix retentissante de son illustre rapporteur, M. Gaston Boissier, l'engagement suivant : « L'Académie sent bien qu'elle a ici un devoir à remplir. 11 faut qu'elle tende la main à ces amis, à ces Français du dehors qui n'ont pas désespéré du génie de la France, et, malgré ses malheurs, lui restent fidèles. C'est un devoir auquel elle ne manquera pas. » Dans les départements et à Paris, mes concitoyens ont bien compris, de leur côté, l'esprit qui m'animait. En me maintenant leur sympathie, en continuant d'acquérir les recueils de poètes français de l'étranger, ils éprouveront l'exquise et double jouissance de faire preuve d'un goût délicat, et de contribuer, pour leur part personnelle, au développement de l'influence française à l'extérieur. Georges Barral Paris, ce 3i mai 189g. DU MÊME AUTEUR: La Nuit, i vol.. . . Stances dorées, plaquette pour paraitre prochainement PROMÉTHÈE poème dramatique. COLLECTION DES POÈTES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. GEORGES BARRAL IWAN GILKIN LIE CERISIER FLEURI PARIS librairie fischbacher 33, rue de Seine, 33. 1899 Tous droits rtservés. Voici un petit cahier de vacances. Je l'ai rimé sans prétention, au hasard de mes rêveries, de mes souvenirs et même de mes lectures. Car, je l'avoue, une partie de ce recueil ne m'appartenait point avant que je l'eusse prise. En ce temps où les petits rimeurs qui vont encore à l'école proclament bruyamment leur originalité, il m'a paru qu'il y aurait quelque élégance à me contenter parfois du bien d'autrui. J'ai donc emprunté. Je l'ai fait avec innocence, sans prétendre égaler dans leurs annexions les maîtres illustres qui leur doivent tant ! J'ai butiné impartialement che^ les poètes de la Chine, de la Grèce antique, de l'Allemagne et de iAngleterre. Peut être ai-je du même coup FLORÉAL Fi, le vieil arbre rugueux Avec sa ramure torse, Noir, dépouillé comme un gueux Rien ne vit sous son écorce. O printemps, nouveau printemps, Viens, mon âme te réclame ! Au cœur des ci eux éclatants Fais jaillir ta jeune flamme ! 12 Le Cerisier fleuri. Le cerisier d'autrefois Se couvre de fleurs divines Et d'oiseaux bleus dont la voix Fuse en gammes cristallines. O printemps, nouveau printemps, Mon âme est pleine de joie Et de baisers palpitants Qui font des froufrous de soie. LE PÊCHEUR La terre a bu la neige et l'azur printanier Sourit de voir neiger mille fleurs de prunier. Le feuillage du saule, on dirait de l'or vierge ; Et c'est un lac d'argent qui reluit sous la berge. Ailes jointes, les grands papillons de velours S'endorment sur le cœur des fleurs aux parfums lourds. >4 Le Cerisier fleuri La brise dort aussi. Nul souffle ne balance Les humides roseaux où rêve le silence. En jetant son filet, debout dans son bateau, Le pêcheur a brisé la surface de l'eau. De même qu'il capture en ses étroites mailles De beaux poissons parés d'éclatantes écailles, Puissé-je aussi pêcher dans le vaste univers Des songes merveilleux aux filets de mes vers ! A UTREFOIS J'ai seize ans; elle, douze; Et nous allons à deux Sur la verte pelouse Au fond du parc ombreux. Dans l'herbe qu'elle cueille, En riant elle lit : « Innocence! » Et la feuille Et la fleur, tout sourit. i6 Le Cerisier fleuri. Moi, j'écoute les merles Siffler en airs railleurs : « De loin, ce sont des perles, « Amour; de près, des pleurs! » NOËL Des chants passent dans la tempête. Voyez ! Au ciel brille un grand feu. Noël! Noël! Le monde fête La naissance du Fils de Dieu. Noël ! Mon cœur a mis au monde Un nouvel et divin amour, Plus profond que toi, mer profonde, Plus beau que toi, splendeur du jour LES POÈTES Sous le berceau de clématite S'étoilent les fleurs violettes. Amis, rimons des odelettes Au vin doré qui nous invite ! L'odeur légère des cigares Se mêle au parfum des fleurs fraîches. Voici des raisins et des pêches Et des confitures barbares. 22 Le Cerisier fleuri. Un oiseau caché vocalise. Que notre chanson poétique Charme autant que son doux cantique Les dieux qui dansent dans la brise ! Et puissions-nous parfois entendre, En retour de notre humble hommage, Dans le bruit que fait le feuillage Passer leur rire jeune et tendre ! LE NÉ NU FAR L'automne attriste la rivière Où le dernier des nénufars Sous les longs nuages blafards Regarde mourir la lumière. Un beau poisson d'or et d'argent Frôle un instant la fleur tardive; Puis sa caresse fugitive S'éloigne avec le flot changeant. 24 Le Cerisier fleuri. O soir d'automne ! O fleur pâlie ! O triste et suprême langueur ! L'ami nouveau qui prit mon cœur M'abandonne et déjà m'oublie. 26 Le Cerisier fleuri. Chantons, chantons la joie! Un souffle musical Rit sur les ondes Et mille feux légers dansent dans le cristal Des eaux profondes Des parfums enivrants flottent sur la beauté Des fleurs pâmées. Couronnez-vous de lys mêlés aux fleurs de thé, Têtes aimées ! Que les vins odorants coulent pour rafraîchir Les lèvres belles ! Le vol fou des baisers tournoie et fait fléchir Les fronts rebelles. Mais nous deux, plus joyeux, plus heureux mille fois, Bien loin du monde Nous cacherons nos cœurs émus au fond des bois, Chère âme blonde ! Nous nous dirons des mots doux et religieux Aux sons étranges Qui feront naître encor dans la bonté des cieux De nouveaux anges. Le Cerisier fleuri. La mer se lamente. Vers quelle tourmente Hélas! font-ils route? Où vas-tu? La terre Est un noir mystère. Je tremble et j'écoute. Des cris ! des sanglots ! Puis le bruit des flots Seul remplit la nuit !... O mon Dieu! j'ai peur ! Tout meurt dans mon cœur. Tout mon bonheur fuit. LES YEUX Je me promène par les rues Comme dans un jardin mouvant Où, sous le soleil et le vent, S'ouvrent mille fleurs inconnues. Yeux verts comme des résédas, Yeux bleus pareils à des pervenches, Yeux d'or flottant sur des mers blanches Comme les lotus des Bouddhas, CHANSON MYSTIQUE Est-ce un nouveau soleil Qui luit dans le ciel bleu? Tout est jeune et vermeil Et tout s'éveille en Dieu. Hosannah! la nature S'ouvre comme une rose. Voici l'essence pure Par delà toute chose. L'A UBÉPINE En babillant les jeunes filles Au frais visage d'églantine Vont se cacher sous les charmilles D'aubépine. La brise mêle aux mousselines Les parfums légers et les branches D'où tombent des neiges câlines De fleurs blanches. 36 Le Cerisier fleuri. Là, sur la route serpentine Un jeune cavalier galope. L'une a rougi..... Mais l'aubépine L'enveloppe. LA BELLE NUIT Le soleil pâlissant a lentement franchi La chaîne des hautes montagnes Et les ombres du soir et le vent rafraîchi Se répandent sur les campagnes. La lune, qui surgit du milieu des bouleaux, Fait luire la large rivière, Et le murmure ami de la brise et des eaux Joint la musique à la lumière. MADRIGAL Comme tu souris gentiment En trempant ta bouche si douce Dans le haut cristal écumant Où le Champagne monte et mousse ! Sur ta bouche si douce, enfant, Et dans tes bras si doux, mon âme Prise à ton baiser triomphant Doucement s'enivre et se pâme. Le Cerisier fleuri. Mieux qu'Orphée et son barbiton Ta voix charme le cœur farouche Et pourtant tu caches, dit-on, Un petit serpent dans ta bouche. CERTITUDE Raison? Mais qui donc a raison? Au parc chagrin, Là-bas, dans le gazon mouillé du boulingrin, Où, le plâtre écaillé, meurent quelques statues, Douze filles de rois, ô lumières ! vêtues De soie or et lilas et de rubans brodés Tout fleuris de muguet, leurs chastes yeux bandés, Figurent, se tenant par la main, les douze heures. La règle du doux jeu, fait de grâce et de leurres, 42 Le Cerisier fleuri. Veut que le joli prince, adorable et follet, Aille, parmi ces sœurs, baiser l'heure qu'il est. Mais le joyeux fripon des lèvres papillonne Gaîment de lèvre en lèvre et chaque enfant mignonne Croit être l'heure vraie et laisse l'Astre-Roi Sourire, au ciel, de leur erreur et de leur foi. ÉCRIT SUR UN LIVRE Accepte ce livre Où s'effeuille un peu La langueur de vivre; C'est le bouquet bleu Des fleurs ingénues, — Souvenirs brouillés, Sourires mouillés, . Larmes retenues ; 44 Le Cerisier fleuri. Et c'est dans les mousses Des chansons très douces, Et c'est dans le ciel Un soleil de miel, Et c'est dans notre âme Un peu de cette âme Qui chante et se pâme. LA FEUILLE DE ULE Le vent a détaché du feuillage mouvant Du vieux saule une feuille, — est-ce une feuille morte ? Elle choit dans le lac remué par le vent ; Le flot qui suit le flot la balance et l'emporte. Le souvenir, hélas! de mon bonheur passé, Le temps l'a dans mon cœur lentement effacé. 46 Le Cerisier fleuri. Au bord de l'eau couché, je contemple sans trêve La feuille qui s'en va loin de l'arbre penché. Depuis que j'oubliai celle qui fut mon rêve, Je rêve, tout le jour, au bord de l'eau couché. Mes yeux suivent toujours cette feuille de saule. Voici qu'elle revient sous l'arbre, qu'elle frôle ! O ciel! le souvenir de mon bonheur passé Dans mon cœur palpitant ne s'est pas effacé ! P ROSIT! Quand je bois du vin J'endors mon chagrin. A quoi bon œuvrer, Peiner et pleurer? Quel que soit mon gré Un jour je mourrai. LES IRIS Dans le dragon de porcelaine Qui semble aboyer aux lambris, De sa main blanche et fine Hélène Plonge un bouquet de fleurs d'iris. Ainsi, dans mon cœur de chimère, Pareils à ces fleurs ses yeux bleus Trempent le bouquet éphémère De leurs rayons miraculeux. Le Cerisier fleuri J'ai dû te fuir, car l'amour était mort, Mort dans mon cœur ainsi que dans ton cœur Tu le savais; je ne t'ai point fait tort; Ce n'est pas moi qui tuai ton bonheur. Ce que j'ai fait, j'ai cru devoir le faire, Marche à présent vers le but de ta vie, Suis le chemin où le sort te convie Et ne hais point celui qui fut ton frère. AU BORD DU LAC Au bord du doux lac bleu, dans les touffes de fleurs, Un bel adolescent se dresse ; Sa blanche nudité s'enivre de paresse Et de caressantes chaleurs. Il secoue en riant son épaule fleurie Où grelottent des gouttes d'eau, Et, tout en câlinant la fraîcheur de sa peau, Il lève les yeux et s'écrie : 54 Le Cerisier fleuri. « Va, glorifie, ô ma nudité, le Soleil ! « Ma beauté chante sa lumière ; « Mon jeune corps est fait de sa substance claire, « Ma chair vient de son feu vermeil. « Mon sang sort de sa flamme en ardente traînée, « Ma bouche a bu son lait de feu; « Je suis son fils ! Je suis l'enfant de l'astre-dieu! « Je suis la lumière incarnée! «Ma chair noble et sacrée est la gloire du ciel; « Mon âme est sa force féconde ; « Ma pensée en feu, c'est la lumière du monde ; « Mon cœur, l'amour universel ! » DEVANT LE VIN Élie, un char de feu l'enleva de la terre ; Dante affronta vivant l'Enfer et ses périls. Tous deux sont immortels. Par-delà le mystère Ils ont pris leur essor; soit! Mais où donc sont-ils? La vie est comme un pâle éclair dans les nuées; Il éclate, il n'est plus. Si la terre et les cieux Sont stables au milieu des choses remuées, L'homme change sans cesse et devient vite vieux. 58 Le Cerisier fleuri. Lorsqu'elle aimait d'ardents soldats, Son âme guerrière et hautaine Rêvait d'héroïques combats. Avec un sombre capitaine Elle berça son cœur houleux Sur les flots d'une mer lointaine. Un marchand riche et cauteleux L'emplit de ruse et d'avarice, L'or collait à ses doigts frileux. Maintenant sa douleur factice Se marie au factice ennui D'un enfant qui fait son délice. Ainsi, son cœur trop plein d'autrui Ne fait que refléter, en somme, Les cœurs qui s'approchent de lui. La femme est le miroir de l'homme. CRISE Tout est bouleversé. Quel rêve ! Ceux qui priaient, se font soldats. Les saints mêmes arment leur bras Et brandissent le glaive. « Oh ! oh! font dans leur beau ciel bleu « Les anges; depuis quand, racaille, « Prend-on pour un champ de bataille « Les églises de Dieu? « Et quels sont ces affreux sauvages « Qui renversent sur les autels « Les grands symboles immortels « Et les saintes images? » Et la voix grave et câline D'un chantant violoncelle Mêle sa douceur à celle D'une harpe cristalline. Les bonbons à la vanille Flattent les lèvres vermeilles, Cependant que des bouteilles Jaillit le vin qui pétille. Ah ! voguer sans but sur l'onde Qui balance la chaloupe ! Ah ! boire au fond de la coupe L'oubli des douleurs du monde ! LE VIN Ami, ne vois-tu pas l'eau du fleuve qui passe? Il coule vers la mer sans jamais revenir. Ami, ne vois-tu point ta face dans la glace? Tes cheveux blancs jamais ne t'ont-ils fait gémir? Hier encore ils étaient aussi noirs que l'ébène Et, ce soir, on dirait qu'il neige sur ton front. Qui sait ce qu'est la vie, aime la coupe pleine Et vide en souriant la coupe jusqu'au fond. Le fifre et le tambour ne sont point nécessaires ; Ne cherchons que l'ivresse et le songe divin! Laissons les sages et les saints à leurs affaires ; La gloire naît parfois dans un verre de vin. LES SAGES Le parfum des pivoines blanches Enivre doucement mon cœur ; La sagesse des têtes blanches M'embaume de sa douce odeur. Les fleurs sous les yeux clairs des sages Disparaissent avec l'été ; Mais les propos divins des sages Résonnent dans l'éternité. LA F LANCÉE Beau comme le soleil au cœur des cieux changeants, Beau comme un souvenir, beau comme une prière, Il était le plus beau de tous les jeunes gens ! Ses yeux bleus étaient doux comme une eau printanière. Ses baisers..... ô délice! ô fleur du paradis! Parfum joint au parfum, flamme à la flamme unie !..... Comme les sons parfaits des instruments choisis S'accordent pour former une exquise harmonie, Ainsi, dans ses baisers, l'amour cherchait l'amour, Sur les lèvres en feu l'âme possédait l'âme ; Et la terre et les cieux, et la nuit et le jour, Tout était consumé dans notre ardente flamme. Malheureuse ! Il n'est plus ! En vain, en vain, hélas ! Ma voix, ma voix plaintive à toute heure l'appelle, Il n'est plus ! Tout est mort pour mon cœur triste et las Qui n'exhalera plus qu'une plainte éternelle. L'HIVER DU CŒUR Ah ! qui me rendra les beaux jours, Les jours des premières amours? Ah ! qui me rendra, fût-ce une heure, Le bonheur que je pleure?_ Tombez, blanches fleurs des pommiers ! Envolez-vous, joyeux ramiers! Fleurs, baisers, printemps jeune et tendre, Que pourriez-vous me rendre? Il est passé, l'été brûlant Qui dessécha mon cœur dolent. Hélas! voilà le sombre automne, Et l'amour m'abandonne ! Voilà l'hiver et ses frimas ! La neige tombe sous mes pas, La neige tombe sur mon âme. Meurs donc, dernière flamme ! ROMANCE Un cygne rouge aux plumes de pivoine Nage sur le lac bleu Et traîne un bateau d'or incrusté de sardoine Dans un léger brouillard de feu. Dans le bateau sommeille une déesse. Sa chaste nudité Repose sur des fleurs que rajeunit sans cesse La lumière de sa beauté. Oiseau magique, où mènes-tu la barque Et son divin trésor ? Vers quel pays de rêve? Auprès de quel monarque Vêtu d'azur, de pourpre et d'or? Mille parfums voltigent dans la brise; Tout le lac est fleuri. Mon cœur brûle, mon cœur bondit, mon cœur se brise, Car la déesse m'a souri. LA ROSE DES DUNES A Robert Sand La mer pâle et grise, la mer Sous le grand brouillard monotone Alanguit mon cœur que l'automne Dévaste de son spleen amer. Rose des dunes, fleur divine! Dans le sable épais que les flots Bordent sans fin de leurs sanglots, Charme caché, je te devine! Tes yeux reflètent le ciel bleu Qui sourit sur toutes les choses. Ma bouche, papillon de feu, Voltige sur tes lèvres roses. Ah ! comme tes baisers sont doux ! Et comme ta parole est douce, Qui passe entre nos baisers fous Comme une eau fraîche dans la mousse ! L'azur s'enflamme et laisse un dieu Jaillir dans un tourbillon d'ailes : C'est ton âme aux ailes de feu Qui monte aux choses éternelles ! Le cheval galope au bord de la mer. Les oiseaux marins volent sur la plage Et leurs cris aigus dans le vent amer Jettent un appel strident et sauvage. Le cheval galope au bord de la mer. La brise enfle un peu la chemise mauve De l'adolescent souriant et fier Qui fouette de fleurs sa monture fauve. Le cheval galope au bord de la mer. L'enfant resplendit comme un météore. Il passe, il s'éloigne.....et le vent amer Répond seul au cri plaintif qui l'implore. LES BRANCHES DE LILAS Un ami m'a donné des branches odorantes De lilas bleu, de lilas blanc, Dont la grâce voisine et les douceurs parentes Diffèrent en se ressemblant : Emblème délicat d'une amitié parfaite Où, sombre ou lumineux, chacun Laisse fleurir son cœur, que les Muses en fête Parfument d'un même parfum. APH0R1SMES Reste calme, ce n'est rien. A quoi bon ce fol émoi? Rien n'existe hors de toi Qu'autant que tu le veux bien. Chaque homme rêve le monde Selon sa propre puissance. Le monde est sa connaissance Plus ou moins haute et profonde. CHANSONNETTE ANTIQUE Moelleusement couché Sous un chêne penché. Soulevant ma coupe d'ivoire En l'honneur des dieux je veux rire et boire. L'Amour adolescent, L'aile au vent, et troussant Sa robe d'un cordon de soie, Viendra me servir, tout rose de joie. A quoi bon parfumer Les tombes et semer Sur le sol mou du cimetière D'inutiles fleurs dont nul n'a que faire? Je veux goûter l'oubli, L'oubli du noir souci, Avant que, blême, je me mêle Aux danses des morts fleuris d'asphodèle Le temps ailé s'enfuit Comme un char dans la nuit ; Et quand nos os gisent sous terre Nous ne sommes plus qu'un peu de poussière. Couronne-moi plutôt D'ache, de mélilot Et de roses pendant ma vie ; Et va, jeune Amour, quérir mon amie ! Dans mon cœur, comme un pinson, Chante, chante une chanson Mignonne; Prends ton vol, ô ma chanson, Et de buisson en buisson Résonne ! Vole au bocage où t'attend Dans l'ombre un peuple éclatant De roses. Vers elles va-t'en, va-t'en ! Va ! tu dois leur dire tant De choses ! Chansonnettes allemandes. 93 Ma bien-aimée a des yeux bleus, Si bleus, si doux et si candides Qu'on croirait voir deux coins des cieux Réfléchis au fond d'eaux limpides. Ma bien-aimée a des yeux bleus, Si bleus, si doux et si candides Que mon pauvre cœur amoureux S'est noyé dans leurs eaux perfides. 1 6 Quand se quittent deux amants, Accablés par leurs tourments, Ils se tiennent par la main Pleurant, soupirant sans fin. Nous, nous n'avons pas pleuré, Nous n'avons pas soupiré; Les larmes et les regrets Ne nous sont venus qu'après. LA CHANSON DES TÊTES BLANCHES (UNE JEUNE FEMME PARLE :) Nos têtes deviendront ensemble, disiez-vous, Blanches comme la neige aux montagnes glacées, Blanches comme la lune au ciel nocturne et doux. Je l'apprends aujourd'hui : vous avez deux pensées ! Et c'est pourquoi je vais me séparer de vous. Une dernière fois je remplirai mon verre Du vin familial dont le vôtre est rempli ; Puis, je m'embarquerai, je quitterai la terre Où vous ne verrez plus pencher mon front pâli, Et mon triste vaisseau franchira l'onde amère. Jeunes filles qui vous mariez, vous pleurez ! Ne versez point de pleurs, pourtant, si cette fête Vous donne un noble époux tel que vous l'espérez, Dont la tête blanchisse auprès de votre tête Et qui jusqu'à la mort garde ses vœux sacrés. LA COUPE Prends ce lingot, ciseleur, Et dans l'argent brillant creuse Une coupe bienheureuse Pareille à la rose en fleur. N'y grave ni la grande Ourse Dans les cieux éblouissants, Ni les flots retentissants Où les nefs bercent leur course, IIIWIML— Le Cerisier fleuri. Que leur danse agile presse Dans la coupe un jus doré ! Moi, gaiement je mêlerai Mon ivresse à leur ivresse. Mais la vigne et ses sarments Et les raisins mûrs que foule Une jeune et tendre foule De poètes et d'amants. A UN POÈTE OUTRAGÉ Ne t'irrite pas ! Ne sois point surpris! Croise-toi les bras, Regarde et souris ! La vie est si brève Et si peu bénigne ! Sur l'azur du rêve Nage comme un cygne ; Sois le frère errant Des blancs nénufars, Le chantre enivrant De leurs cœurs épars, Et laisse, en la sombre Profondeur des ondes, Grouiller sous ton ombre Les larves immondes ! MA UVAISE HUMEUR Les dieux sont gais ; ils dansent, chantent, rient Dans le ciel lumineux Et boivent l'ambroisie en se moquant de ceux Qui sur terre les prient. Les dieux sont beaux; ils gardent la jeunesse, La grâce et la splendeur, Mais ils nous ont donné la douleur, la laideur Et la lourde vieillesse. Les dieux sont forts ; c'est eux qui nous font naître Et qui nous font pécher Afin de nous punir et de nous empêcher De nous passer du prêtre. Je t'ai goûté, Dernier plaisir Que la beauté Offre au désir ! Comme la joie, Hélas, épuise ! Comme elle ploie L'âme et la brise! Mieux vaut souffrir Mille douleurs Que de subir Tant de bonheurs ! Mais dans la flamme Ou dans la neige, L'amour, mon âme, Où le fuirai-je? LIED DE MAI Comme lumineuse et sereine La nature s'épanouit! Comme tout sourit dans la plaine! Comme le soleil éblouit ! Des fleurs sortent de chaque branche Et des voix de chaque buisson. Joie et volupté, tout s'épanche, Tout est mélodie et chanson. Calme, sérénité divine, Douce et caressante chaleur ! Un dieu naît dans chaque poitrine. 0 terre! ô lumière! ô bonheur! Source de feu, source de vie Plus céleste encor que le jour, Tu baignes mon âme ravie, Amour, universel Amour! EN MARCHE Au cœur de la fête Roule le tambour. Tu tournes la tête Et voici l'amour. Un coup de tambour, C'est une autre fête! Tu tournes la tête, C'est un autre amour ! * l m > & p à Jeune patriarche Des jeunes cerveaux, Ton cœur bat la marche Des hommes nouveaux. Ta lumière baigne Les yeux de velours Et de règne en règne Tu marches toujours. LA GLYCINE A Francis de Croisset Sous le soleil d'été l'étang bleuâtre luit Comme un miroir rempli de flammes grésillantes Et les jardins touffus qui se penchent vers lui Mirent dans l'eau leurs fleurs brillantes. Dans la barque, sous un grand dais de drap ponceau, Les jeunes filles font babiller leurs pensées. Leurs robes, où parfois perle une goutte d'eau, On dirait des fleurs renversées. Le bateau glisse et court sur les ondes. Là-bas Un jeune baigneur nu soudain s'effare, tâche De regagner la berge et par le gazon gras Dans la glycine en fleur se cache. Sous les frêles rameaux l'adolescent frileux Tremble dans le vent tiède où les feuilles s'agitent ; Comme des grappes de légers papillons bleus Les fleurs autour de lui palpitent. Sa poitrine ressemble au doux nénuphar blanc, Mais sa joue est pareille à la pivoine ardente Lorsque la barque passe et s'éloigne en mêlant Des chants à la brise fondante. PRIMEVÈRES i8g5 O mes lèvres, chantez ma joie, Car un soleil Jeune et vermeil Au ciel de mon âme flamboie ! Il illumine De cent couleurs Tous mes pensers comme des fleurs Et ma poitrine A mille cœurs ! Mon âme est pleine de roses Et de lèvres souriantes Où, de leurs ailes brillantes, Voltigent des baisers roses. Reines des fleurs parmi toutes ces fleurs Ta bouche fraîche et tes yeux bleus rayonnent Et sur leurs divines douceurs Mes baisers tremblants papillonnent. Dis, me pardonneras-tu Mon injustice ? Je fus méchant, je fus têtu ; Ayant souffert dans mon amour, j'aurais voulu Mettre aussi ton cœur au supplice. C'était cruel, lâche, odieux ! Mais aussitôt que je vis tes chers yeux Pleins de tristesse et de tendres reproches Et ton visage aimé si pâle et si souffrant, Mon cœur dur se fondit en un divin torrent 'Primevères. De baisers bondissant comme l'eau sur les roches Puis ce furent d'exquis remords Sous les paroles pardonnantes Et comme des petites morts Dans des musiques bourdonnantes. Et nous voici Plus sages, et plus doux, et plus aimants aussi, Ayant endormi nos lièvres Sur l'oreiller de nos lèvres. Il n'est plus en moi rien qui m'appartienne, O cher cœur adoré ; Toute ma vie est tienne. A toi chaque rêve doré Qui voltige autour de ma tête De poète ; A toi chacun de mes désirs ; A toi ma peine et mes plaisirs Et mes baisers et mes soupirs. A toi la fleur de mes pensées, A toi mes heures de bonté Et de confiance enlacées, Et tout mon cœur vibrant d'amour vers la beauté. Dès que le clair matin m'éveille Je songe à ta lèvre vermeille ; Et quand je travaille, le soir, Je voudrais tout apprendre pour pouvoir T'offrir en souriant l'universel savoir. Oublieux de tourner la page de mon livre Si j'y laisse parfois traîner mes doigts distraits, C'est que mon regard s'enivre Du souvenir de tes chers traits. Des lointains cruels de l'absence Mon cœur vole vers ta présence, Mais aussitôt que tu parais Dans ton sourire il se blottit Comme un jeune oiseau dans son nid. T'en souvient-il encore, dis, De ces premiers beaux jours Où notre jeune amour S'éveilla sur le doux chemin du paradis ? O le cher et joyeux chemin ! Nous marchions la main dans la main, Bientôt aussi l'âme dans l'âme. Nos regards se cherchaient en échangeant leur flamme Dans la petite salle obscure Où nous faisions alors tant d'aimables lectures. Mais ce n'étaient encor que des mots amusants Et des rires légers qui dansaient sur nos joues. Les livres ennuyeux, nous leur faisions des moues En aiguisant Des traits pointus A l'adresse des gens obtus Mais sans vouloir blesser personne, Car notre âme, à tous deux, se faisait douce et bonne Pour que rien ne ternît l'azur De nos regards aimants et purs ; Puis l'on secouait la poussière Coutumière Des vieux bouquins, Et, joyeux et libres enfin, Par mainte rue ensoleillée Comme on allait marchant, marchant, Et l'une vers l'autre penchant Nos deux âmes émerveillées ! T'en souvient-il encore, dis, Des doux chemins du paradis ? S'il est vrai que Dieu même est l'essence du monde, S'il est le ciel rempli d'astres, la terre et l'onde, Le bel oiseau qui vole, et le lys qui fleurit, Et la chair souriante où palpite l'esprit, O mon doux amour, c'est Dieu même Que j'aime En tes chers yeux où rêve tout l'azur, C'est Dieu qui m'aime en ton cœur pur Et lumineux comme une aurore, Et dans nos baisers Jamais apaisés 128 'Primevères. C'est le bonheur Divin que nous faisons éclore. Voilà pourquoi notre bonheur Est une joie immense où la nature entière S'épanouit comme une fleur Dans une extase de lumière. Voilà pourquoi notre cœur généreux Souhaite aussi que tous les êtres Qui vivent ou qui doivent naître, De notre doux amour doucement amoureux Avec nous soient bénis, avec nous soient heureux Et que leurs âmes fraternelles A nos âmes en feu se mêlent Quand les baisers sacrés de nos lèvres jumelles Font frémir à jamais la Tendresse éternelle. Tu ne peux pas savoir dans quel profond tourment Une absence D'un jour, d'une heure seulement, Plonge mon cœur aimant Qui ne vit qu'en ta présence ! Ma vie est toute hors de moi. Ma vie est toute auprès de toi, Où tu souris, où tu respires ; Ma vie est l'azur de tes yeux Et le parfum de tes cheveux Et le son clair de ton doux rire ! Ma vie est sous tes pieds légers Comme un tapis de velours tendre ; Elle est sous tes longs cils frangés Comme un pleur scintillant qui ne veut pas descendre. Notre amour est pour nous une sainte lumière Qui nous éclaire Dans tous les actes de la vie ; Il nous fait voir Tous nos devoirs Il est la loi toujours suivie. Quand tu souris à mon côté Ta divine bonté M'inspire ; Je vois dans tes yeux purs ce qu'il faut faire ou dire Et je sais qu'en mes yeux heureux Ces beaux yeux amoureux Lisent, ravis et fiers, mes meilleures pensées. Et nous portons, alors, ainsi que deux corbeilles Débordantes de lys et de roses vermeilles Nos deux âmes dans leur amour récompensées. ODELETTES FAMILIÈRES A CALLIOPE Calliope, j'ai fait résonner la terrible Lyre d'ébène et de fer; j'ai chanté Les enfers vénéneux et putrides, que crible De traits de flamme une âpre volupté ; J'ai dit l'horreur du monde et ce que l'homme souffre, Les sombres cœurs peuplés de monstres fous Et les démons hideux nageant au fond du gouffre. Mais aujourd'hui mes chants se font plus doux. Sous les deux florentins et leur clarté bénie Les dieux de marbre ont ébloui mes yeux, Et leur beauté sereine et leur calme harmonie Ont fait mon cœur semblable au cœur des dieux. Je cesse de plonger sous les ondes amères Des lacs de fiel, de larmes et de sang. Je ne chevauche plus les hurlantes chimères Crachant leur bave au ciel resplendissant. Un ruisseau qui bouillonne au creux d'une vallée, L'exquise odeur des fraises et du vin, Le charme délicat d'une parole ailée Et la douceur de ton baiser divin, Calliope, voilà les seuls biens que souhaite Le sage aimé des Muses au chant clair. Que voudrai-je demain? Demande à la mouette Qui passe et vole en criant vers la mer ! Comme à Gœthe, les dieux m'ont donné plus d'une âme : L'une se plaît dans les brumes du Nord, L'autre rit au Midi qui la nourrit de flamme; Mais dans mon cœur leurs chants vibrent d'accord. Chrétien, fils d'Epicure ou philosophe austère, Tantôt rieur et tantôt solennel, Les voix de la nature et les cris de la terre, Tout en moi trouve un écho fraternel. Mes mains sur tous les luths promèneront mon rêve; Nul n'a compté les fleurs de mon cerveau ; Comme on discute encor la strophe que j'achève, Déjà ma bouche essaie un chant nouveau. Les marins échappés de l'orageux naufrage Succombent à la fièvre en de riants climats Et les princes n'évitent pas La lance d'un sauvage. Nous aussi, nous mourrons, laissant les fraîches fleurs, Les vieux vins parfumés, les femmes amoureuses Aux jeunes âmes vigoureuses Qui riront de nos pleurs. Dans les lits délicats où se pâme l'amour, Sur le grabat du moine ou du pauvre qui pleure, Dès que le destin marque l'heure Chacun meurt à son tour. A LISE Vous faisiez bien la dédaigneuse, L'autre jour, folâtre baigneuse, Et votre rire était amer Comme la mer. Cependant vos formes charmantes Plongeaient aux vagues écumantes Qui couvraient de gros bouillons blancs Vos bras troublants. Sa bouche est la fleur de ma vie. Autour de ma tête ravie Ses bras ont mis leur royauté Et leur beauté. Et sa présence rose et blonde M'est douce plus que rien au monde Quand elle suce entre mes dents Quelques fondants. Odelettes familières. Aujourd'hui vous êtes moins fière ; Vous me saluez la première Et me faites du coin de l'œil Meilleur accueil. Pour moi, ma lèvre n'est plus libre. Mon cœur jusqu'à la moindre fibre Appartient à Rose. Ses yeux Sont mes seuls dieux C'est qu'il est loin, le beau Maurice Qui fut votre brûlant caprice, Lise, et qui mangeait de baisers Vos doigts rosés. A CALIXTE Ne te désole pas ! En vain Ton angoisse implore un secours divin, Les dieux s'occupent d'autre chose. Un homme, un insecte, un astre, une rose: Pour leurs regards indifférents Sont aussi petits et sont aussi grands Et nulle créature brève Ne tire les dieux de leur divin rêve. Odelettes familières. Qui pourrait dans l'éternité Déranger le cours de leur volonté? Ils veulent la vie et le monde Et dans leurs desseins la mort est féconde Car détruire c'est transformer. Ta cendre est le feu qu'ils vont ranimer. Accueille donc d'une âme égale L'heure bienheureuse et l'heure fatale Et sache opposer un cœur fort Au malheur aveugle et même à la mort. A ALBERT GIRAUD Que l'amour calme et doux soit notre unique maître Le courroux, même juste, engendre mille maux Et nous n'évoquerons que des dieux infernaux Si la haine à l'autel brûle l'âme du prêtre. Aux visages amers, par les larmes rongés, D'un sourire amical enseignons le sourire. Albert, nier le mal c'est souvent le détruire, Puisque l'illusion règne en nos cœurs légers. Ah! nul n'est plus méchant que le hargneux prophète Qui marche tout gonflé de forfaits à punir Et qui, l'œil soupçonneux, s'exerce à découvrir Les plus sombres horreurs dans la plus douce fête ! Des souffrances d'autrui chimérique inventeur, Il fait naître en nos cœurs tous les maux qu'il dénonce ; Il écrase les fleurs pour mieux montrer la ronce Et le réformateur devient un malfaiteur. Il faut boire, il faut rire, il faut bénir la vie, La nouvelle jeunesse et le nouveau printemps ! Le soleil monte encor dans les cieux éclatants Et l'amour chante au cœur de la vierge ravie. y A RENE L'homme grossier souille l'ivresse Par des querelles et des luttes, Sans comprendre la tendresse Des violons et des flûtes. Jetant verre et bouteille au lustre, Sa fureur croît comme on l'esquive ; Ce n'est pas la faute au rustre S'il n'a tué nul convive. L'homme bien né jamais n'oublie Que Bacchus, nu, libre et sublime, Reste dieu dans la folie, Où l'offenser est un crime. Mêlons au sang clair de la vigne Les baisers, les chants et le rire Et que mon René désigne Celle qu'il faut qu'on admire. Tu ne veux pas? Quel air sévère? Ne fais point le Caton, jeune homme ! Je ne viderai mon verre Que si ta bouche la nomme. Je suis discret. Ouvre ton âme ! Ton âme fraîche et vigoureuse Ne peut brûler d'une flamme Inavouable et honteuse. Elle? Ah! malheureux! Dans quels gouffres Te précipite un sort atroce ! Je sais trop ce que tu souffres Sous cette griffe féroce ! A UNE JEUNE FILLE Vous allez, ô jeune inconnue, Régner sur un cœur tout plein de mon cœur. Venez ! Soyez la bienvenue ! L'amitié sourit à l'amour vainqueur. Le printemps caresse la feuille, Le bouton naissant, puis la jeune fleur, Afin qu'une vierge la cueille Et respire, un jour, sa divine odeur ; Ainsi les amitiés fidèles Font plus doux encor les coeurs les plus doux, Pour le bonheur sacré de celles Qui sauront choisir les meilleurs époux. A ERNEST VERLAN1 Pour vivre, l'homme doit lutter contre les choses. Satisfait un moment, s'il fait trêve au combat, Sur lui l'ennui s'abat Comme un vol de corbeaux moroses. L'un cherche un compagnon pour bâiller avec lui ; L'autre quitte la ville et court à la campagne, Mais l'ennui l'accompagne, Il rentre en ville avec l'ennui. Heureux qui sait penser! Si l'imbécile est vide, Un grand esprit, Verlant, porte le monde en soi Et, mendiant ou roi, Il possède un trésor splendide. Sa cervelle puissante est le rare athanor Où du moindre métal ce savant alchimiste Comme Hermès Trismégiste Tire la quintessence d'or. Tout se change en pensée au feu de ses prunelles. La vie et ses douleurs n'offensent plus ses yeux Que la beauté des dieux Remplit des clartés éternelles. A ANDRÉ X.. Méfiez-vous, André, des chantres des brouillards Et de leurs pipeaux nasillards. Le flasque bégaiement de leur esprit malade N'est que bouillie et marmelade ; Leur musique liquide amollit le cerveau Et le souille comme un caveau Qu'inonde de sa bourbe un ruisseau qui déborde. Loin de nous la gluante horde Odelettes familières. Des limaces traînant dans leur bave d'argent ! L'esprit agile et diligent Comme un dieu rayonnant marche dans la lumière. Lui-même à la nature entière Il prête des trésors de grâce et de splendeur. Aux feux de sa divine ardeur Il voit le trait précis, il voit la claire image Et par son merveilleux langage Il incarne à jamais en vers harmonieux La beauté qui ravit ses yeux. A MARTHE Blonde enfant, qui retiens le ciel dans ta prunelle, Écoute : mon ami, le jeune et fier soldat, Brûle pour tes grands yeux. Ne lui sois point cruelle. Il est beau. Son front clair brille d'un noble éclat. Son sourcil, l'on dirait l'aile d'une hirondelle. Sa lèvre a la fraîcheur et le duvet d'un fruit Et son rire bondit comme la cascatelle Qui parmi les cailloux jase, écume et s'enfuit. Profite du présent; cueille le jour et l'heure, Puisque voici les fleurs et les fruits parfumés ! Demain le froid hiver glacera ta demeure; La neige blanchira tes cheveux bien-aimés. La toux au coin de l'âtre et les rides moroses Succéderont, hélas ! aux baisers amoureux Et l'hirondelle agile ira sous d'autres cieux Chercher d'autres printemps parfumés d'autres roses. A VALÈRE GILLE Que faire ? Le nombre des fous Est infini, dit l'Évangile. Ah, malheur! Misère de nous, Valère Gille ! Prose hystérique et vers déments, Discours gâteux et chaotiques, J'entends partout des hurlements D'épileptiques. Viens, ami, fuyons leurs sabbats ! Laissons les fous à leur marotte Et n'imitons point les combats De don Quichotte. Sous la treille, au fond du jardin Que parfument des fleurs vermeilles, Fais apporter dès le matin Quelques bouteilles. Cueillons, pour fêter la beauté, La fraîcheur divine des roses Et buvons à notre santé, Loin des névroses, A ALBERT CHAPAUX Les cieux bienveillants, dans leur munificence, Albert, t'ont comblé de leurs dons les plus doux. La fière beauté de ton adolescence Fit mille jaloux. Parmi les soldats si ta rose jeunesse Connut les jeux fous du vin et des amours, Tu n'imitas point ceux de qui la paresse Dévore les jours. Tes loisirs lettrés ont célébré la gloire D'un roi pacifique et pourtant conquérant Et notre petit pays qui dans l'histoire Bientôt sera grand. Ton livre décrit les guerres dangereuses Au continent noir arrachant ses secrets, Les nègres fuyant sur leurs pirogues creuses Ou dans les forêts, L'éléphant traqué dans les herbes immenses, Le tambour de guerre éclatant dans la nuit Et le vin de palme, et les cris et les danses Qu'un massacre suit. Maint jeune héros te doit sa jeune gloire. Nos adolescents en lisant leurs combats Brûleront comme eux de forcer la victoire Au seuil du trépas. Et le noble effort d'un prince magnanime Reçoit de ta main le laurier mérité Que lui réservait dans l'avenir sublime La postérité. A BERTHE Berthe, Berthe, pourquoi t'acharner à la perte Du jeune et beau Rodolphe? Berthe, Tes baisers parfumés ont amolli ses bras Aujourd'hui roses, blancs et gras, Qui naguère, plus durs que le bois et la pierre, Brandissaient la lourde rapière Ou fendaient l'onde froide infatigablement. Enlacés à ton corps charmant, Ils ne demandent plus que de tendres caresses. Dans leurs amoureuses paresses Ses genoux, qui jadis domptaient d'ardents chevaux, A présent les voilà rivaux De tes genoux polis et blancs comme l'ivoire. Seule une légère ombre noire Au-dessus de sa lèvre empêche avec douceur Qu'on ne le prenne pour ta sœur. A FRANCIS DE CROISSET Francis, le temps n'est plus, hélas ! où le Désir, Ainsi qu'un dieu jeune et superbe, D'un pied vainqueur écrasait l'herbe Et cueillait largement les roses du plaisir. Le cœur de l'homme, alors, libre de toute règle, Bravant la foudre, bravant Dieu, Planait sans peur au ciel en feu Et sur la proie élue il fondait comme un aigle. Mais on nous a prêché les péchés de la mort, Les dieux ont perdu leur empire, La terre a perdu son sourire Et nos cœurs assombris ont appris le remord. Toutes les voluptés traînent leur infamie ; Toute chair est marquée au fer ; Tout baiser fait frémir l'enfer; Toute beauté se meurt sur la terre ennemie. Mais la Sagesse, ami, nous tend ses calmes bras; Nous saurons y trouver encore, Aux feux de la dernière aurore, Un reste de bonheur qu'on ne nous prendra pas. Laisse fleurir en paix le lys vierge et splendide : La gerbe qu'arrache ta main Ne sera qu'ordure demain. Ne jette aucun caillou dans la source limpide. Ce beau poisson péché, regarde : il va mourir ! L'oiseau qui charme le bocage Se tait et languit dans la cage. Le fruit cueilli se sèche ou commence à pourrir. A Francis de Croisset. 167 Sachons tout contempler sans déranger les choses. Souvenons-nous que le désir Détruit tout ce qu'il veut saisir : Le baiser le plus doux flétrit les fraîches roses. La joue en fleur, pareille à la fleur de pêcher, Les yeux et les lèvres en flammes, Les douces chairs, les pures âmes, Si tu veux en jouir, garde-toi d'y toucher. A ANNE Quel est, dans ta mignonne chambre, Ce mol enfant parfumé d'ambre, Anne, et qui, te parlant tout bas, Te serre dans ses bras ? Sa chemise de soie ouverte Laisse voir sa poitrine offerte Avec ses bras blancs et rosés A tes légers baisers. Est-ce pour lui, cette parure Qui brille dans ta chevelure, Et ces regards chauds et subtils Qui coulent sous tes cils ? Est-ce pour lui que sur tes lèvres Frémit le papillon des fièvres F't que tes divins cheveux roux Pleuvent sur tes genoux? Hélas ! victime de tes charmes, Il connaîtra bientôt les larmes Des beaux jours vite évanouis Et des serments trahis. Goûte la femme comme une fleur parfumée, Comme un tableau splendide, une musique aimée Un poème jeune et divin, Un flacon de vieux vin, Mais garde-toi des feux qui dévorent les âmes ! Des débris écroulés, telle est l'œuvre des flammes Qui n'épargnent ni l'empereur Ni l'humble laboureur. Au plus fort des tourments, vaincu par sa folie, L'un cherche au fond des eaux le trépas d'Ophélie, Un autre demande aux poisons L'oubli des trahisons, L'autre, enfin, dépouillé d'une antique opulence, Fuyant en vain le noir démon qui le relance, Traîne sa misère et son mal Dans un lit d'hôpital. Crains l'aveugle désir et sa rage insensée ; Ne laisse point ton cœur abuser ta pensée, Ne laisse point la volupté Vaincre ta volonté. ! A Maurice. 173 Couronne-toi de fleurs fragiles et charmantes ! Dans les bras ingénus de tes jeunes amantes Ton cœur ailé va voltiger Comme un oiseau léger. I A M A RI ON Le soleil s'est couché. Le crépuscule rouge Assombrit lentement l'air tiède où rien ne bouge. Sur la terrasse étroite où nous respirons seuls, Marion, le parfum lointain des hauts tilleuls, Qui se mêle à l'odeur des corbeilles de roses, Joint une haleine exquise à la beauté des choses. Vois! L'ombre grandissante a fondu les contours Des arbres du vieux parc aimé de nos amours, Et, comme au ciel obscur, on voit dans l'étang sombre S'allumer pâlement des étoiles sans nombre. Pour fêter ce beau soir qu'un flacon de muscat Offre à notre plaisir son bouquet délicat! Vois-tu dans le cristal couler son or limpide? Nos mains semblent verser une étoile liquide. Assieds-toi, Marion. Regarde dans les cieux Marcher ces millions d'astres mystérieux. La force formidable et sereine qui trace Indéfectiblement leur route dans l'espace Et qui pousse à leur but les soleils flamboyants Que sont tous ces grains d'or dans les cieux poudroyants, Est la même qui rythme, en leur rude harmonie, Les flots retentissants de la mer infinie, Qui fleurit dans la rose et le lys glorieux Et qui fait resplendir tes lèvres et tes yeux. Nous sommes frère et sœur des fleurs et des étoiles. La substance du monde habite dans nos moelles. Et ces arbres muets et ce lac ténébreux, Vois ! nous pensons pour eux et nous aimons pour eux. Mais que font à nos cœurs les êtres et les mondes ? Laisse mes mains errer parmi tes boucles blondes Et, glissant sous les plis de ton manteau flottant, Doucement t'attirer sur mon sein palpitant. Viens! ta lèvre à ma lèvre! Et qu'un baiser suprême Me laisse murmurer à peine que je t'aime ! AUX NOVATEURS L'inquiétude écoute un bruit lointain qui gronde. La terre est en travail. Un monde va finir En enfantant un nouveau monde Au seuil obscur de l'avenir. Et les hommes, les uns affolés par leurs craintes, S'efforcent d'arrêter le tourbillon fatal Qui, sous leurs pieds, malgré leurs plaintes Ébranle le vieux sol natal ; Les autres, tout enflés d'un orgueil ridicule, Dictent à la tourmente un programme hautain, Tandis qu'entre leurs mains circule La force aveugle du Destin. — O jeunes gens, sachez qu'ici-bas tout se paie ! Œil pour œil, dent pour dent, mais aussi cœur pour cœur! Le couteau qui creuse une plaie En fait-il jaillir le bonheur? Le bonheur est la fleur de l'âme bonne et douce Qui dompte ses désirs et sourit à son sort : Rose divine dans la mousse, Lis d'eau sur un étang qui dort. Des sectes d'assassins, par le fer et la flamme, Cherchent l'Eldorado dans les destructions Et sous leur bombe ou sous leur lame Tombent les chefs des nations. Ils vont par les cités criant : « Ni Dieu ni maître! « Périsse qui combat les instincts dévorants ! « Le bonheur de tous ne peut naître « Que sur la tombe des tyrans ! » Aux Novateurs. 179 Qui veut renouveler la face de la terre N'a le droit de verser d'autre sang que le sien; Sous les coups même il doit se taire Et pour le mal rendre le bien. Le triomphe sera le prix de son martyre : L'homme est pour l'homme un dieu s'il sait mourir pour lui Mais c'est la foudre qu'il attire Quand il répand le sang d'autrui. Car le sang veut du sang. Des autels qu'il arrose Tous les dieux bienfaisants détournent leurs regards. Mieux vaut faire éclore une rose Que d'aiguiser mille poignards. POUR ALBERT GIRAUD Arrière à présent le souci! Aux quatre vents du ciel je laisse Le soin d'emporter loin d'ici La crainte et la tristesse ! Que l'on se bombarde au Brésil, Qu'au mépris des droits de la Porte Les Anglais régnent sur le Nil, Aujourd'hui peu m'importe ! Muse, amante des verts bosquets Et des fontaines transparentes, Viens, cueillons d'éclatants bouquets De roses odorantes Et versons l'aromal vin chaud Dans la tasse claire et polie Pour honorer mon cher Giraud Qui revient d'Italie! A REINE Je sais que nous devons mourir; Je sais que la vie est un vain désir ; Je sais que l'homme n'a qu'une heure Et qu'il faut aussi que la terre meure ; Je sais que le brûlant soleil Ira, dépouillé de son feu vermeil, Sombre et morne globe de glace, Se briser sur un astre dans l'espace; • Je sais que tous les raillions D'étoiles et de constellations Qui tombent dans la nuit profonde, Roulent sans répit vers la fin du monde Et qu'en l'horrible immensité Un jour régnera l'immobilité, Mort suprême de la nature. Qu'importe, ô mon cœur? La brise murmure. Parmi les rosiers éclatants Les jeunes baisers chantent le printemps Et les lys d'eau sur la rivière Parfument d'amour l'onde et la lumière. Reine, que le frêle bateau Berce notre rêve en glissant sur l'eau ! Le feuillage indécis des saules Effleure parfois tes blanches épaules, Où parfois comme un diamant Une goutte d'eau roule indolemment Quand j'ai mal relevé la rame. Qu'un plaisir léger suffise à notre âme ! Il est doux, l'instant de bonheur Qui cueille, en passant, une fraîche fleur ! Que sous des pampres festonnés Chaque tête s'incline Pour que nous buvions couronnés A la mode latine. Levons le savoureux cristal Encore, encore, encore, A celle qu'un destin fatal Veut, hélas! que j'adore! Léandre, tes yeux de velours. Tes lèvres, fleurs vermeilles Où voltige un essaim d'amours Moins gros que des abeilles, Font pâlir la joue et languir Les yeux mourants d'Hélène; Pour moi, Rosette est mon désir Et ma joie et ma peine. Son petit cœur trop occupé Joint la glace à la flamme Et dans le Champagne frappé Je bois toute son âme. A MES AMIS Les diplomates intrigants Et les généraux arrogants Veulent-ils la paix ou la guerre Cela n'importe guère ! A quoi bon s'agiter si fort? La vie est si près de la mort Et la douce jeunesse ailée Est si vite envolée ! L'âpre vieillesse au front chenu Chasse, en grommelant, l'amour nu, La souplesse du corps agile Et la beauté fragile; Ainsi les fleurs du mois de mai Perdent leur éclat embaumé Et l'eau des sources bocagères S'enfuit sous les fougères. Pourquoi fatiguer les destins De tant de projets incertains? Vivons dans la maison paisible Sans chercher l'impossible. Sur la nappe les clairs cristaux Se mêlent sans peur aux couteaux Et pour les chairs que l'on découpe Seule saigne la coupe; Puis le cigare et le café, Parfum sur un parfum greffé, Vont embaumer nos causeries Joyeuses et fleuries. Plus belle que l'éclat du jour Anne eût dû mettre un brin d'amour Dans cette agape fraternelle Où l'on parle tant d'elle, Mais monsieur son nouvel amant L'aime avec tant d'emportement Qu'elle ne saurait sans offense Lui ravir sa présence. Essayons pour nous consoler, O chers amis, de moduler Avec des rimes magnifiques Des vers philosophiques. A CYRILLE En toute chose il est une essence divine ; Le sage à demi la devine Mais le saint la sent vivre en son cœur exalté. Ainsi qu'un fleuve de clarté L'âme de l'univers le baigne et le pénètre Et se confond avec son être. Les hommes, l'océan, le soleil et les fleurs, Tous sont ses frères et ses sœurs Car un seul Dieu se cache, âme de toutes choses, Dans les astres et dans les roses Et parfois se dévoile, au gré de ses desseins, Au fond même du cœur des saints ; Et, miracle, parfois, d'identité divine, On voit sourdre de leur poitrine, De leurs pieds, de leurs mains et de leur front penché Le sang par Dieu même épanché Lorsqu'il se révéla dans notre chair humaine. O toi, qui sous le phénomène Sais atteindre à l'Idée et remonter à Dieu, Jeune homme vierge au doux œil bleu, Sache enfanter le Dieu qui germe dans ton âme. Attise l'éternelle flamme Qui couve en toi, Cyrille, et veut te consumer, Ivre de croire, ivre d'aimer! Tu comprendras alors dans l'extase suprême Qu'en t'aimant Dieu s'aime lui-même. Là d'opulents bazars regorgent de fourrures, De merveilleux cristaux s'ouvrent comme des fleurs, Et voici l'Orient, ses tapis, ses parures Et ses marchands un peu voleurs. Plus loin, de longs wagons et de puissants navires Invitent aux départs vers les hasards lointains Les commerçants hardis et les faiseurs d'empires Qui dictent des lois aux destins. Où donc s'arrêteront et la science altière Et l'audace invincible et l'effort dangereux? Les hommes ont dompté la force et la matière ; Hélas! sont-il moins malheureux? Nous avons suscité de nouvelles tristesses, Maurice, et nous mourons d'un nostalgique ennui. Nos cœurs sont tout gonflés de modernes détresses Et nous envions aujourd'hui L'harmonieux destin de la jeunesse antique, La palestre, les jeux, la noble nudité Et l'esprit simple et fort, que le soleil attique Illuminait de sa clarté. A l'ombre d'un portique ou de légers feuillages Le jeune homme, superbe et joyeux comme un dieu, Écoutait doucement les paroles des sages En souriant au grand ciel bleu. Et les flots bruissants qui berçaient les galères Et qui frangeaient le port de volutes d'argent, Le chant de la cigale et des fontaines claires, La course d'un char diligent Et le temple de marbre au faîte de la ville, Où Pallas apportait la sagesse des cieux, Tout cela suffisait à son cœur juvénile Heureux de la beauté des dieux. La Belle nuit................................37 Madrigal..................................3g Certitude..................................41 Écrit sur un livre............................43 La Feuille de Saule..........................45 Prosit !..................................47 Les Iris. .•................................49 Rupture....................................5i Au bord du Lac..............................53 Devant le Vin..............................55 Reflet...........................57 Lâcheté....................................59 Crise......................................61 En bateau..................................63 Le Vin....................................65 Les Sages . ...............................67 La Fiancée ... ........................69 L'Hiver du Cœur............................71 Romance..................................73 L'Acacia rose...........'..........75 Accident..................................77 La Rose des Dunes............................79 Chant d'amour..............................81 Chevauchée................................83 Les Branches de Lilas........................85 Aphorismes................................87 Chansonnette antique.............■ 8g Chansonnettes allemandes......................gi La Chanson des Têtes blanches..................97 La Coupe..................................gg A un Poète outragé.............101 Mauvaise humeur..............io3 L'Amoureux................io5 Ardeur................................107 Lied de Mai................109 En marche.................111 La Glycine................n3 Calme..................n5 PRIMEVÈRES i895 I......................................119 II...................121 II I......................................123 I V......................................125 V......................................127 V I...................129 VII...................I3I ODELETTES FAMILIÈRES A Calliope.................i35 A Cérinthe..................................139 A Lise..................141 A Calixte.................143 A Albert Giraud...............145 A René..................147 A une jeune fille............................i5i A Ernest Verlant..............i53 A André X......................................i55 A Marthe.................i57 A Valère Gille..............................i5g A Albert Chapaux..............161 A Berthe.................i63 Bruxelles. — Imp. V'' Monnom, rue de l'Industrie, 32. Table. A Francis de Croisset, A Anne..... A Maurice.... A Marion .... mes amis..... Cyrille...... Maurice C. de Waleffe Aux Novateurs . . Pour Albert Giraud A Reine..... A Léandre A A A Publications récentes de la LIBRAIRIE FISCHBACHER Rue de Seine, 33, Paris. Envoi franco contre mandat-poste. Collection des poètes français de l'étranger publiée sous la direction de M. Georges Barral : La Nuit. Poésies, par Ivvan Gilkin. i vol. in-12 ... 3 5o La Cithare. Poésies, par Valère Gille. (Ouvrage couronné par l'Académie française.) 1 vol. in-12 .... 3 5o Héros et Pierrots. Poésies, par Albert Giraud. 1 vol. in-12 3 5o Le Collier d'Opales. Poésies, par Valère Gille. i vol. in-12..................3 5o Le Cerisier fleuri. Poésies par Iwan Gilkin. i vol. in-12. 3 5o Les Créateurs de la légende Napoléonienne, par Jules Garsou, docteur en philosophie et lettres : i° Béranger et ses Chansons. 1 vol. in-8°......1 5o 2° Barthélémy et Mc'ry. 1 vol. in-8° ......4 » Les Grands Poètes français. Notices biographiques, littéraires et bibliographiques, choix de morceaux, par Alphonse Pagès, avec portraits et autographes. 1 vol. in-40.....4 » Les Écrivains célèbres de la France, ou Histoire de la Littérature française depuis l'origine de la langue française jusqu'au xix" siècle, par D. Bonnefon. 8° édit., 1 vol. in-12 . . 4 » Les Écrivains modernes de la France, ou Biographie des principaux écrivains français, depuis le premier Empire jusqu'à nos jours, avec une analyse, une appréciation et des citations de leurs chefs-d'œuvre, par D. Bonnefon. 6'' édit., 1 vol. in-12 . 4 » La Poésie, son passé, son présent, son avenir, par Raoul Lafagette. i vol. in-24...........2 » Histoire des Relations littéraires entre la France et l'Allemagne, par Virgile Rossel, professeur à l'Université de Berne. (Ouvrage couronné par l'Académie française.) 1 vol. in-8° 7 5o Histoire de la Littérature française hors de France. — I. Suisse française; II. Belgique; III. Canada; IV. Hollande; Suède et Danemark; V Allemagne; VI. Angleterre; VII. Les Littérateurs français en Orient, — par Virgile Rossel, professeur à l'Université de Berne. 2" édit., 1 vol. in-8".......8 » Histoire littéraire de la Suisse française, par Ph. Godet. (Ouvrage couronné par l'Académie française.) 2'' édition, 1 vol. in-8°................8 » Histoire littéraire de la Suisse romande, par Virgile Rossel. (Ouvrage couronné par l'Académie française.) 2 volumes grand in-8°..................i5 » Genève et ses poètes, du XVI" siècle à nos-jours, par Marc- Monnier. 2e édit., i vol. in-12.........3 So Poètes et Penseurs, par Alfred Marchand, i vol. in-12. 3 So Les Poètes lyriques de l'Autriche : Lenau, Betty-Paoli, FeUchten-leben, par Alfred Marchand. (Ouvrage couronné par l'Académie française.) 1 vol. in-8°............7 5o Bruxelles,— Imp. v' Monnom, 32, rue de l'Industrie.